Interview du Concierge Masqué alias Richard CONTIN

Bon ben c’est parti !

Bon, je m’installe confortablement dans ma loge pour répondre à tes questions. Tu permets que je garde le masque. Je ne l’enlève que pour les photos et pour faire mes courses incognito.

 

Tu es concierge pour de vrai (je n’aime pas le terme « gardien ») ? T’as un truc rigolo à nous raconter en rapport avec le polar ?

Oui. J’ai souvent envie de meurtres à cause de mes locataires. Parait-il qu’il faut que je me retienne. C’est qu’avec tous les polars que je m’envoie les d’idées me viennent avec une facilité déconcertante. Mais revenons à ta question. Au début du site, j’avais rencontré un auteur. Je lui fais le plein de compliments et lui balance tout le bien que je pense de lui. Je sors son livre pour qu’il me fasse une belle dédicace… Ce n’était pas le bon auteur. Depuis, à chaque fois que je fais un salon où cet auteur est présent, je me fais gentiment vanner. Heureusement, derrière le masque on ne voit pas la pivoine qui m’envahit.

 

Ça fait presque deux ans que tu as monté ton blog dédié aux « interviews » (j’aime pas, je parle d’entretiens). Raconte-moi le pourquoi, les débuts.

Petite rectif, le blog a fêté son année d’existence en avril dernier.  J’avais un rêve. Je rencontrais régulièrement des auteurs de polar lors de salons. J’avais des discussions passionnantes. Je trouvais dommage d’être le seul à en profiter. Le blog était l’outil idéal mais je suis nul en informatique. Ça aurait pu rester un vœu pieux sans une rencontre aux Quais du Polar 2010 à Lyon. Et tout ça grâce à une bière, celle que buvait David Boidin. Il était sur le point de monter une agence de communication à destination du monde de l’éditeur. Au départ, son idée était d’enregistrer mes rencontres et de les proposer en podcast. Finalement, nous sommes tombés d’accord sur le principe de l’interview écrite. Aujourd’hui encore la société eXquisMen m’aide dans la gestion du blog et, le mois dernier encore, nous avons explosé des records de visites. Depuis, je cours les salons carte de visite à la main et la distribue aux auteurs qui n’ont pas peur d’un individu masqué se ruant sur eux en leur proposant un interrogatoire sans fouille au corps, enfin pas systématiquement.

 

Allez donne-nous tes ficelles pour être en contact avec tous ces auteurs !

Mon secret, c’est la passion. Je ne lis que du polar. J’aime les auteurs. Je les rencontre sur les salons, en dédicace. Nous discutons de leurs livres, de leur travail. Des liens se créent tout simplement. Aussi tenté que j’ai une mission, c’est celle de défendre le polar, une littérature dont on parle finalement assez peu dans les médias traditionnels. Regardez les quelques émissions de TV littéraires, à de rares exceptions près, ce sont toujours les mêmes têtes qu’on y voit, les d’Ormesson, Nothomb et consorts. Comment fait-on pour découvrir de jeunes écrivains de talent.

 

Tu es indispensable dans le monde des blogueurs. J’adore ce côté décalé, on ne peut pas échapper à tes interviews, c’est franchement décidé dans ta tête ?

Je te remercie de le penser mais personne n’est indispensable. Peut-être complémentaire avec les autres blogs, ceux de mes amis et les autres qui font essentiellement de la chronique de livre. Mon bonheur est de faire découvrir de nouveaux auteurs. Pour cela, parce que c’est aussi un plaisir, je rencontre également des auteurs plus célèbres. Je tente en permanence de trouver le bon compromis entre les auteurs français et étrangers, grandes plumes et jeunes duvets.

 

J’aimerais entendre quelque chose de ta part : c’est quoi le roman noir ?

Vaste question ! Le roman noir doit te prendre aux tripes, te faire dresser les cheveux même si tu n’en as pas, mêler le suspense avec des sujets sociaux qui te feront te poser plein de questions. Un bon roman noir, tu dois t’en souvenir plusieurs mois après. Ceci étant, il existe plusieurs genres de roman noir : policier, à suspense, thriller, social.

 

On va voyager : l’Angleterre « Robin Cook », le grand nord « Millenium », la Nouvelle- Zélande « aka », l’argentine « mapuche ». Tu préfères un entretien avec Caryl Ferey, ou imaginer un entretien avec « feu » Robin Cook ?

Je demande toujours plusieurs choses quand j’interroge un auteur : comment se passent ses recherches pour son livre et qu’il nous parle de ces personnages. Je lui demande aussi de nous parler de sa vie, c’est, je crois, important de connaitre son environnement. Pour un auteur étranger, je lui demande ses impressions sur le polar dans son pays ou dans le monde. J’aime aussi parler actualité internationale, car le polar s’inscrit dans l’actualité.

 

« Concierge », un mot qui me renvoie à mon enfance. Il y avait une « loge » au RC de chez moi. C’était drôle, il y avait une relation atypique. Est-ce que ça existe encore ?

Bien sûr que ça existe encore. J’ai de beaux souvenirs avec les enfants de mes locataires qui viennent m’apporter « un dessin au gardien ». Nous sommes le premier interlocuteur des locataires. Mais il y a le côté dur aussi avec ceux qui ne respectent pas notre travail, qui jettent des œufs sur la loge ou crachent dessus. Le polar m’aide énormément pour m’extraire de ces moments difficiles.

 

Moi ce que j’aime chez toi, c’est qu’il y a un coté Fred Vargas, on dirait que t’es fan.

J’ai bien sûr lu des romans de Fred Vargas mais dire que je suis Fan est un grand mot. Ma came c’est plutôt des auteurs comme Roger J. Ellory et Roger Smith, mes deux grandes références. J’aime beaucoup également les auteurs de polar humoristique, tel Carlos Salem ou Maxime Gillio qu’il vous faut absolument découvrir si vous ne les avez jamais lu. Tous les mois, je découvre de nouveaux talents et me rend compte que le genre roman noir plus que jamais est un genre de grande qualité d’écriture.

 

Un peu comme moi, mais on a tellement de sollicitations, des auteurs étrangers on ne peut échapper à cette vague « nordique » par exemple.

Pourquoi échapper à la vague nordique ? Le polar nordique est une des branches d’un grand chêne. Le tout est qu’elle ne fasse pas d’ombre à la vague française avec des jeunes talents incroyables. N’oublions pas les « brillants » anglais. Tous les pays sont complémentaires. Et je ne parle même pas des auteurs latino qui surgissent et qui vont marquer le genre polar. En surfant sur toutes ces vagues, on se rend compte que le polar a de beaux jours devant lui.

 

Tu as créé les « balais d’or » (je suis ravi de faire partie du jury 2013) pour montrer un auteur, une œuvre, mais surtout pour te décaler de quoi ?

J’ai eu envie de créé ce prix pour donner une chance à des auteurs de polar de se faire remarquer. J’espère en faire une référence dans le monde du polar. Cette année, ce sont neuf jurés qui décident du finaliste du mois. Une présélection de douze auteurs permettra en novembre de voter pour les Balais d’or de l’année dans un restaurant parisien.

 

Allez, pour finir, tu me cites trois romans, et trois films, et je te remercie.

Tu veux que je me fâche avec les auteurs que je ne citerai pas ? 😉 Pas évident. Il y a tellement de bons romans ! Bon voici trois romans que je conseille :

L’affaire Clémence Lange de Laura Sadowski qui m’a énormément touché et qui m’a réellement marquer en profondeur par son sujet.

Les Ages sombres de Karen Maitland, pour moi la maitresse du thriller médiéval, sa connaissance de cette époque est incroyable et elle rend vraiment l’atmosphère de l’époque.

Seul le silence de Roger J. Ellory qui m’a marqué et m’a permis de faire connaissance avec un immense auteur.

Je voudrais aussi parler du recueil Les auteurs du noir face à la différence, un petit bijou et une bonne cause chez Jigal Edition.

Pour mes trois films : Le Clan des Siciliens, Romanzo Criminale, Peur sur la ville.

J’espère ne pas avoir été trop bavard, les concierges sont bavards de naissance 😉 amitiés mon ami.