Toi qui entre ici abandonne toute espérance. Dante
Yaak Valley, Montana
Dans les paysages grandioses du Montana des années 1980, l’histoire d’un homme en perdition confronté à ce que l’humanité a de pire et de meilleur. La première fois qu’il l’a vu, Pete a cru rêver. Des gosses paumés, il en croise constamment dans son job d’assistant social. Mais, tout de même, un enfant en pleine forêt, méfiant, en guenilles, l’air affamé…Pete s’accroche, laisse de la nourriture, des vêtements et finit par gagner la confiance du petit. Suffisamment pour découvrir que le garçon n’est pas seul. Sa mère et ses frères et sœurs sont introuvables, il vit avec son père, Jeremiah Pearl, un fondamentaliste chrétien qui fuit la civilisation pour se préparer à l’Apocalypse et comploter contre un gouvernement corrompu et dépravé.
Petit à petit, entre Pete et Jeremiah s’installe une relation étrange. Car Jeremiah s’est isolé par désespoir, après un drame atroce ; Pete de son côté est au bord de sombrer : son frère est recherché par la police ; son ex, alcoolique, collectionne les amants ; et surtout, sa fille de quatorze ans a disparu quelque part le long de la route du Texas… Deux hommes aux prises avec des démons qu’ils ne pourront plus faire taire très longtemps…
Je plagie volontiers Dante : toi qui ouvres ce livre abandonne toute espérance. J’ai eu le sentiment de m’enliser au fur et à mesure de ma lecture, ne plus pouvoir bouger et bientôt ne plus respirer. C’est une métaphore, certes, mais ô combien perceptible. Ne plus bouger, car toutes les actions du quotidien n’avaient de sens que celui de retourner à ma lecture, ne plus respirer car il est des passages de ce livre qui se lisent en apnée pour ne pas troubler la vie de ces personnages, faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger une relation déjà si fragile.
C’est un roman noir, très noir. Un regard sur cette société américaine des “ploucs” délaissés par l’état sauf quand il s’agit de satisfaire la paranoïa de ceux qui gouvernent, des “ploucs” qui n’ont plus rien pour satisfaire à leurs besoins élémentaires et du coup préfèrent satisfaire leur besoin d’évasion dans l’alcool ou la came. Un travailleur social n’y peut rien, encore moins s’il est rongé par la culpabilité d’être parti de chez lui, d’avoir abandonné femme et enfant. Alors il fait des “pansements” passe des enfants de familles d’accueil en foyer ou en centre de détention tout en se demandant ce que sa fille devient, elle qui a disparu. Parfois il abandonne ses recherches et va errer dans les bois avec Jeremiah à la recherche d’une rédemption. Mais nous lecteurs savons que c’est peine perdue car le roman est régulièrement entrecoupé de l’interview d’une jeune fille “amie” de Rachel, la fille de Pete. Ce qui nous donne un point de vue unique, car aucun des protagonistes du récit n’y a accès, sur l’inexorable déchéance de cette jeune fille et nous seuls pourrions dire à Pete “elle est en train de se perdre et toi tu l’as perdue déjà”.
Sombre, triste et violent, personne dans ce roman n’est vraiment ce qu’il paraît et c’est pour cela que tous sont sur le point de disparaître.
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