Couverture de Prendre les loups pour des chiens de Hervé Le CorreNous ne sommes pas des hommes déguisés en chien, nous sommes des loups déguisés en hommes. Jin ROH

Après avoir purgé cinq ans pour un braquage commis avec son frère Fabien, Franck sort de prison. Il est hébergé par les parents de Jessica, la compagne de Fabien. Le père maquille des voitures volées, la mère fait des heures de ménage dans une maison de retraite. Et puis il y a la petite Rachel, la fille de Jessica, qui ne mange presque rien et parle encore moins. Qu’a-t-elle vu ou entendu dans cette famille toxique où règnent la haine, le mensonge et le malheur ?

Dans une campagne écrasée de chaleur, à la lisière d’une forêt angoissante, les passions vont s’exacerber. Entre la dangereuse séduction de Jessica, l’absence prolongée de Fabien et les magouilles des deux vieux, Franck est comme un animal acculé par des loups affamés…

L’écriture est fluide, précise, les phrases sont courtes. On sent un besoin d’aller à l’essentiel en évitant surtout de parler de sentiments. A l’image de Rachel, on parle peu dans ce roman, on s’invective plutôt, on se donne des ordres, on n’explique rien. D’ailleurs qu’y a-t-il à expliquer quand tout est mensonge. C’est par la posture des corps, la mise en scène de ces personnages que tout passe, ils sont debout, assis, couchés et pourtant ils mentent encore, leurs corps ne dit jamais ce qu’ils sont, ils ont des attitudes, des postures parfois outrancières et parfois sans rapport avec ce qui se passe.

D’ailleurs, à bien y regarder le roman cumule un certain nombre de stéréotypes propres au roman noir : sortie de prison, femme fatale, dealer de came qui se prend pour un parrain, gang de gitans… et pourtant ça fonctionne très bien. Pourquoi ça fonctionne ? J’aurais envie de répondre : parce que Hervé LE CORRE sait construire un récit et préfère ses personnages au décor.

Toutes les péripéties du roman ne font que mettre en valeur les caractéristiques de chacun des protagonistes. Et puis il y a Rachel, cette énigmatique petite fille, mutique, anorexique, réfugiée dans ses rêves et ses jeux de poupées. Elle est comme un tableau noir sur lequel chacun va écrire ce qu’il est vraiment. A travers elle chacun se dévoile, et malheureusement c’est la noirceur qui apparaît. Le tableau noir n’est plus, c’est un bloc sur lequel les entailles s’accumulent sans espoir de cicatrisation.

Sombre, très sombre, ce roman est magnifique.

Ludovic FRANCIOLI