Chronique Dora-Suarez Les-sanglots-de-pierre_Dominique FagetLa vengeance qu’on exerce sur le méchant est une réparation que l’on fait à la vertu. Napoléon Bonaparte

Hortense règne d’une main de maître sur le domaine de La Louvière. Cette femme indomptable et forte a connu des années difficiles. La Grande Guerre lui a volé son mari, le grand amour de
sa vie, et son fils aîné est mort lors de la seconde guerre mondiale. En cet été 1956, elle aurait mérité que sa vie soit enfin douce et tranquille… Mais tout est compliqué par les manigances de son petit-fils qui projette de transformer le domaine familial en maison d’hôtes. Sans compter également ces meurtres qui se produisent dans le voisinage. Est-ce un fou qui a décidé de semer la terreur dans la région ? A La Louvière, Hortense pressent qu’il s’agit d’autre chose et que certains secrets du passé risquent de remonter à la surface et de bouleverser de nombreuses existences…

Deux histoires comme point de départ de ce roman: l’une historique, juillet 1942, la rafle du Vel’ d’Hiv, et ce qui s’en suivra, l’autre, actuelle, si j’ose, puisque cette actualité là est l’été 1956. Bien sûr nous pressentons que ces deux histoires vont se télescoper, ne jouons pas les naïfs… mais il y a l’art et la manière de l’écrire et là, l’art est un coup de maître et la manière remarquable.

Ici, les mots ont du sens. comme le disait Gérard Coquet lors d’une de nos conversations, les mots ont tout leur sens quand ils sont au bon endroit dans une phrase et qu’ils participent à part entière à la structure du récit. Ce que j’ai traduit par : évitez de dire n’importe quoi en employant un vocabulaire à tort et à travers. Chez Dominique Faget, on cultive les racines, autant de la langue que de l’histoire, avec foi et ferveur. Chaque chapitre donne la juste réplique à la saveur de son frère. Nous sommes dans une chambre d’écho, un écho qui raisonnerait dans les deux sens : l’été 42 tinte aux oreilles de Juliette et de sa famille, mais l’été 56 donne une réponse aux horreurs subies par la famille de Hannelore.

On est emporté par les songes ténébreux d’un univers truffé d’émotions, la douleur de la perte et de la persécution, l’invitation aux premiers voyages affectifs, aux premiers émois. Ce qui est
d’autant plus déroutant pour le lecteur qui passe d’un “voyage” en train dont on aurait aimé qu’il n’existe jamais, à un périple en bicyclette et aux premiers émois amoureux. Au réveil quand le lecteur s’éveille de sa lecture, à travers les brumes d’un passé si bien évoqué, il réalise qu’il n’a pas rêvé.

 

Ludovic FRANCIOLI