chronique dora suarez dualité - sébastien jullianLa dualité, qui est la contradiction de l’unité, en est aussi la conséquence. Charles Baudelaire

Et si vous vous retrouviez un matin, couvert de sang, une arme à la main, sans victime apparente et incapable de vous rappeler le moindre souvenir ?
Cette réalité est terrible à vivre pour Julien qui part en quête de vérité. Du jour au lendemain, il devient victime de névrose, paranoïa et développe un comportement impulsif et imprévisible.
Qui l’a piégé et pourquoi ?

Un roman qui prend pour thème un dédoublement de personnalité est de mon point de vue un “casse-gueule”. Pourquoi ?
Parce qu’il faut appréhender l’aspect psychiatrique du sujet, sans quoi, on peut écrire tout et n’importe quoi. Une référence, authentique, est le cas de Billy Milligan (adapté au cinéma sous le titre Split). Ceci étant posé, qu’en est-il de Julien Servian ?

Tout d’abord, il est un personnage banal, un homme à priori sans aspérités, incapable d’aimer, un modeste employé qui se laisse solliciter par un collègue à la vie plutôt dissolue, il se traîne, il erre dans une vie sans but jusqu’à l’imprévisible. Enfin c’est ce que veut nous faire croire l’auteur avec son introduction qui peut nous faire croire à une machination.

Je ne souhaite pas “spoiler” le récit, je donne ici mon interprétation : ce type est dingue, c’est un grand malade qui se débat avec une vie morne et une vie de psychopathe, inventée ou non mais qui redonne un peu de piment à cet ennui mortel dans lequel il chavire.

Aucun des personnages n’est “aimable”. Tous mornes, végétatifs socialement, sans intérêt.

S’il est question de “roman noir”, nous y sommes.

L’intrigue nous transporte, non pas dans des fantasmes cruels, mais dans un sursaut d’apnée, enfin du souffle ! Enfin, il arrive quelque chose. Julien n’est plus “rien”, il existe. Il existe dans la terreur de cette découverte emmenant avec lui les seules personnes qu’il côtoie, pauvre être esseulé et démuni face à la vie. Il n’a d’autres ressources que de se créer un second moi, ce moi qui lui échappe sans doute, encore que ma conviction est qu’il est un grand manipulateur, un pervers.

La construction du récit nous donne à penser que tous les écrits en italiques sont une relation dans les faits, mais la construction de qui ? Machination ? Dédoublement de personnalité ?

Tout reste ouvert à la fin.

 

Ludovic Francioli