chronique dora-suarez L'important c'est la pomme - Benoît Chavaneau

Chaque pomme est une fleur qui a connu l’amour. Félix Leclerc

En plein cœur de la forêt des Flandres, une jeune fille amnésique court. Dans son esprit, une obsession : fuir. Elle trouve refuge dans “La Demeure des Oublis”, un ermitage. C’est là que vit Tristan Follet. Si à ses yeux l’homme lui est inconnu, il semble par contre en savoir beaucoup sur elle. Leur rencontre tourne à l’affrontement. La fugitive doit faire face aux mensonges et aux manipulations de Tristan. Dans un huis clos étouffant, elle exhume un à un des cadavres du placard. Et tâche de ne pas en devenir un.

“L’espace est réellement démesuré, puisque aucune limite ne peut lui être assignée, mais il arrive qu’il soit enclos, dans la pratique la plus courante, par n’importe quelle construction. Or, il demeure impossible de le définir aussi bien dans son infinité qui est insaisissable que par des bornes évidemment provisoires. Il nous échappe tout à fait, situé hors nature, en dépit de nos raisons.”

Voici comment André Dhôtel analysait l’architecture de ce prodigieux édifice qu’est le château de Gormenghast dans la trilogie de Merwyn Peake consacrée à Titus D’Enfer, parue en France en 1974 chez Stock dans Le Cabinet cosmopolite.

En 1974, j’avais dix-huit ans et je découvrais l‘oeuvre de Merwyn Peake. Pourquoi je vous raconte cela ?

Parce que le roman de Benoît Chavaneau a opéré chez moi un retour dans le temps, ce temps où la découverte des littératures est encore de mise, particulièrement celle-ci qui ne souffre de supporter aucune étiquette : Gothique ? Fantastique ? Poétique ? Épique ? Assurément un peu de tout à la fois avec le Oolar en plus.

Cette histoire familiale est un conte cruel, un récit d’amour et de haine, d’une grande solitude aussi et d’expiation des fautes passées, des sacrifices, qu’ils soient rituels ou meurtres de connivence.

Cette maison, cette “Demeure des Oublis” broie tous ses habitants, elle s’offre à eux, se déforme, se creuse au fil du roman, se dévoile dans ses profondeurs en miroir avec ses occupants.

Chaque recoin découvert dans cette architecture dantesque est un nouvel aspect de la turpitude des personnages qui ne pourront plus que faire corps avec ce monstre qui se dessine page après page dans ce très court roman de vie, de sexe et de mort.

Un véritable chef d’œuvre.

 

Ludovic Francioli