Terme culinaire signifiant “dur à cuire”, “hard-boiled” est devenu une expression désignant un genre littéraire : le roman noir moderne, tel que créé par Dashiell Hammet et Raymond Chandler et incarné par leur héros respectif, Sam Spade et Philip Marlowe, des détectives évoluant dans un monde où les limites entre le bien et le mal sont floues. Depuis, le “hard-boiled” a évolué vers une tendance du roman noir, où les intrigues reposent sur la violence (physique, morale, politique) et où les auteurs privilégient l’action à la psychologie.
Après avoir créé la “Série noire” en 1945, Georges Duhamel définissait cette tendance : “L’immoralité côtoie les beaux sentiments, l’esprit est rarement conformiste et les policiers sont aussi corrompus que les mafieux. Ce qui compte est l’action, la violence, l’angoisse, les états d’âme qui se traduisent par des gestes, la passion sans frein, la haine. Le tout débouche parfois sur de l’humour et toujours sur une nuit blanche. Hubert Artus
Plus personne ne s’arrête à Pilgrim’s Rest, une vallée perdue dans les Appalaches. Un patelin isolé depuis des jours par le blizzard. Un motel racheté par le shérif et son frère simplet. Un bowling fermé depuis longtemps. Et l’obsédant souvenir d’une tragédie sans nom : cinq hommes sauvagement exécutés et leurs femmes à jamais disparues. Et voilà que Hunter, le demi-sang indien condamné pour ces crimes, s’évade du couloir de la mort et revient dans la vallée. Pour achever son œuvre ?
Après douze ans de haine et de chagrin, un homme se réjouit pourtant de revenir à Pilgrim’s Rest. Freeman a compris le petit jeu de Hunter et va lui mettre la main dessus. Et lui faire enfin avouer par tous les moyens, où il a caché le corps de sa fille Louise, une des cinq disparues.
Pilgrim’s Rest sera peut être le terminus de sa vengeance, mais ce que Freeman ignore encore, au volant de sa Camaro rouge qui remonte Murder Drive, c’est qu’il n’est pas le seul à vouloir se venger. Et que la vérité va se révéler plus cruelle et plus perverse encore. Car dans la tempête qui se déchaîne et présage du retour de la terreur, un serial killer peut en cacher un autre. Ou deux.
Un page-turner implacable que j’ai lu d’une traite. Avec cette certitude que j’avais entre les mains un roman “de genre”, un genre que j’affectionne tout particulièrement, le “hard-boiled”.
Je peux affirmer haut et fort que Braverman en a assimilé tous les codes et peut sans aucune modestie monter sur le podium en compagnie du “pape” du genre, Mr Stephen Hunter.
D’ailleurs je me permet de glisser deux clins d’yeux , le titre est le patronyme du maître du genre, et la photo de couverture est la même silhouette qui apparaît sur la couverture du roman Shooter (dans la lunette de visée) de ce même maître.
Des chapitres courts, un style qui va à l’essentiel, un langage romanesque qui flirte de très près avec le cinématographique. Je n’ai d’ailleurs pas cessé de m’imaginer les scènes en y intégrant des acteurs de mon choix (pas toujours judicieux…). C’est la lecture en apnée et comme le disait Duhamel “la nuit blanche assurée”.
Freeman est un homme endurci par sa vie de flic et son malheur de père, il ne lâche rien, même sous les coups et les balles, à l’instar de Turner dans le roman de Tim Willocks La mort selon Turner, tous les deux sont noirs, tous les deux souffrent pour cette haute idée de la Justice qui ne cesse de s’enfuir devant eux.
Le personnage féminin Denise est une femme malmenée par la vie et encore plus durement touchée puisqu’elle partage avec Freeman la disparition de sa sœur. Un personnage qu’on aime d’emblée et qu’on aimerait protéger de tous ces malheurs, cette violence, ce sang, transportés par la tempête qui fait rage dehors mais aussi dans leur corps. Mais tous les deux n’ont-ils pas assez souffert ?
Et bien il semble que non ! Au détour des dernières pages, alors que la tempête fait place à une accalmie météorologique, nous percevons les prémices d’un ouragan encore plus violent sans doute. Nous le découvrirons dans le deuxième opus de cette trilogie, à paraître.
Ludovic Francioli
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