chronique dora suarez Une ritournelle ne fait pas le printemps - Philippe Georget

C’est comme une musique, une ritournelle dont on n’entendrait pas tous les mots, un chant qui laisserait son souvenir, des images, des personnages un jour rêvés… Des éclats de rire, des rêves, des lettres d’amour et des tableaux blancs sur fond de cruauté insupportable, de souffrances impardonnables… Et toujours ce même air qui reste… quelques notes lancinantes qui vous accompagnent et ne vous lâchent plus… Une autre façon dorénavant de penser la mer.  Alessandro Baricco

Un Vendredi Saint à Perpignan. Comme chaque année depuis cinq siècles, la procession de la SANCH se met en marche. Sept cents pénitents défilent dissimulés sous leur traditionnelle caparutxe– longue robe de bure et cagoule.

Soudain, quelques pétards brisent le silence et la panique gagne la procession. Quand le calme revient, un pénitent ensanglanté reste étendu à terre, poignardé.

Au même moment un violent hold-up se produit, non loin de là, dans une bijouterie…

L’enquête conduit très vite le lieutenant Sebag des ruelles encombrées du quartier gitan de Saint-Jacques aux appartements feutrés de la bonne société catholique catalane. Mais y a-t-il un lien entre ces affaires alors que plane ici l’ombre aussi poétique qu’ambiguë du Fou chantant, qui, ado, arpentait déjà ces mêmes ruelles…

Une ritournelle ne fait pas le printemps clôt la série des Quatre Saisons de Gilles Sebag.

Il faut être très culotté pour faire planer sur un roman policier l’ombre de Charles Trenet, de sa présence et de son héritage -père notaire, grand-père architecte- , toujours cette présence jusque dans le cimetière où est inhumé la famille.

Et la réputation sulfureuse du grand Charles le fou chantant mais aussi l’organisateur de soirées spéciales, l’amateur de jeunesse, le poète parfois lubrique dans l’intimité. D’ailleurs il est question de textes cachés, de chansons à caractère sexuel, d’invitation à la débauche.

Ce roman se construit sur des faux-semblants, qui tue qui ? Et pourquoi ? Est-il vraiment question d’un meurtre, est-il vraiment question d’un braquage ?

Existe-t-il dans ces familles confites dans la tradition religieuse un semblant d’affection pour l’autre, pour un membre de sa famille ?

Et si tout cela n’était qu’une mascarade, pédophilie ou juste une attirance pour les jeunes garçons ? Trenet passait-il à l’acte dans sa demeure bourgeoise ?

Notre personnage est-il déjà passé à l’acte ou est il “simplement” terrorisé à l’idée que cela pourrait se produire ?

Les faux-semblants, l’entre-deux, les deux moteurs de cet excellent polar.

Ludovic Francioli