chronique dora suarez Deux balles - Gérard LECAS

Il y a un message de justice dans chaque balle que je tire. Jorge Rebelo

Juin 2013, alors que l’armée française engagée en Afghanistan se retire, le caporal-chef Vincent Castillo rejoint à Marseille, Willy, son frère d’armes grièvement blessé au combat.
Pour leur retour à la vie civile, ils avaient rêvé un projet : acheter un food-truck et sillonner la côte pendant l’été. Mais pour l’heure Willy est en chaise roulante et Vincent sous neuroleptiques.
Faute de mieux, Vincent retourne chez son père, dans cet hôtel minable recyclé en foyer d’accueil pour migrants. Il retrouve là ses deux frères, Denis et Jordan, qu’il n’a pas vus depuis longtemps et qui ont tous les deux bien changé…

Il y découvre Hamid, son ami interprète afghan, exilé pour échapper aux Talibans, et rencontre Leila, la jolie afghane, et son fils Ashmat qui attendent il ne sait quoi…

Après tout ce qu’il a vécu, Vincent est à la recherche d’une nouvelle vie. Mais le problème, c’est qu’ici, les frères, les vrais, ça ne court pas les rues…

On oscille entre désillusions et désignations dans ce roman qui nous raconte une parenthèse tragique dans la vie d’un homme dont le destin bascule quand justement, après avoir échappé à la mort dans de multiples circonstances sur les lignes de front en Afghanistan, il rentre chez lui et se retrouve confronté aux suites les plus horribles de cette guerre, la dépression, le vide autour de soi, les liens familiaux délités, les vérités sur les origines et leurs conséquence, la détresse humaine dont certains se gavent jusqu’à l’horreur, une humanité oubliée pour se satisfaire des dollars, des hommes, des femmes et des enfants transformés en ces fameux dollars.

Il existe dans ce roman un cataclysme de violence, une violence le plus souvent sourde.
Dès les premières pages c’est un tsunami qui se prépare, une montée dans l’horreur, la vague enfle et submerge les personnages (mais aussi le lecteur), les larmes peuvent couler, les coups peuvent pleuvoir pour imposer une réalité, une désastreuse réalité : et si la guerre sur le front était au fond moins pire que ce que les gens en font sur l’arrière, et si la guerre alimentait l’économie parallèle.
Et si être un soldat était sans doute plus digne qu’être un civil charognard qui se repaît des restes de ce que la guerre a laissé.

Un grand livre, mais attention, un rouleau compresseur, on ne s’en relève pas indemne.

Ludovic Francioli