chronique dora suarez Le disparu du Mékong - Marc CHARUELDans un monde qui a vu Hitler, le Vietnam et le Bengladesh, la vie d’un homme ne veut pas dire grand chose. André Brink

Au Vietnam, de nos jours, un agent des services français ne répond plus à l’appel. Philippe Rhode s’est évaporé. Ses contacts habituels ont perdu sa trace.
A Paris, sa hiérarchie décide d’envoyer sur place un “employé occasionnel”, le journaliste Vincent Caron. Sous couvert d’un reportage à effectuer sur les évolutions spectaculaires du nouveau Vietnam, destination toujours plus prisée des touristes occidentaux, Caron doit retrouver la piste de l’agent de la DGSE.
Mais lorsqu’il débarque à Saigon, après une escale à Bangkok où une ravissante correspondante lui fournit les ultimes consignes, le journaliste comprend vite qu’il n’est pas seul à rechercher son compatriote. Les services secrets viêts, chinois, japonais et américains sont à ses trousses. Et ce qui devait être une opération ordinaire se transforme rapidement en un vaste et redoutable piège où tout n’est que mensonges, trahisons, et où la mort mène le jeu. Pour la plupart des espions engagés dans cette course poursuite, Caron devient l’homme à abattre.
Or, ce qu’ils ne savent pas, c’est que le journaliste a bien connu le Vietnam, dans une autre vie…

  Pour comprendre les tenants et aboutissants de cet ouvrage il est indispensable d’avoir une représentation géographique du pays, mais pas seulement une représentation du conflit sur le terrain mais la dissémination des différentes ethnies minoritaires au sein de ce territoire.

La population vietnamienne est majoritairement composée de Viêt, officiellement appelés Kinh (86 %), et de 53 ethnies minoritaires, principalement représentées dans les montagnes du Nord (30 à 40 % de la population) ou dans les provinces de Cao Bang, Hà Giang, Lạng Sơn, Lai Chau et Sơn La. Pami ces ethnies, quatre comptent plus d’un million de représentants (Tày, Tai, Muong et Khmer), treize comptent de 100 000 à 900 000 représentants et 36 en comptent moins de 100 000. Certaines comptent seulement quelques centaines de représentants, comme les Brâun, environ 300.

Les populations de langues austroasiatiques sont largement majoritaires. Elles parlent des langues du groupe des langues viêt-muong (vietnamien, muong, chut et thô) et le khmer.

On trouve également des populations de langues hmong-mien (trois ethnies représentant 1,5 million de personnes).

Il y a également des populations de langues tai-kadai (12 ethnies représentant 4 millions de personnes).

Enfin, les langues austronésiennes sont parlées par 830 000 individus réparties en 5 groupes : Jarai (317 000 individus), Êdê (270 000 individus) et Cham (100 000 individus), héritiers du royaume du Champâ. Ils ont été étudiés par Georges Condominas, notamment les Mnong Gar.

Les ethnies de langues sino-tibétaines comprennent neuf ethnies pour un million d’individus, dont 800 000 Hoa, chinois du Viêt Nam.

5 000 Français vivent au Vietnam depuis plus de 25 ans, en ne tenant pas compte des autres Français, présents depuis des dates plus présentes, mais ils ne constituent pas une ethnie.

Après ces quelques illustrations qui me paraissent indispensables pour se situer autant historiquement que géographiquement dans ce roman foisonnant, peut-être est il temps de dire tout le bien que je pense de cet ouvrage.
Revenons d’abord sur mon approche du roman dit “d’espionnage” en se penchant sur la littérature de mon adolescence (les Fleuve Noir estampillés Espionnage à coté des Spécial police quand Paul Kenny tutoyait Frédéric Dard sur les tourniquets de ces échoppes qui deviendraient “maison de la presse”), vint ensuite la découverte de Ian Fleming et de son fameux James Bond 007 dans sa collection toute habillée de blanc. Et les cadors, les John le Carré, Robert Ludlum…et leurs sempiternelles clones et leurs sempiternelles adaptations ciné.

Vous remarquerez une certaine amertume, une humeur chagrine, un fond de déception…

Et j’ouvre (avec un peu d’appréhension) Le disparu du Mékong de Marc Charuel.
Il me faut moins de 50 pages pour accéder à une réconciliation avec le genre.

C’est fort, ça tape, ça transpire et ça souffre, tout ça dans une écriture exemplaire, un rythme effréné, une plongée en apnée dans les méandres d’une histoire (devrais-je plutôt dire d’une Histoire) faite de mensonges, de fausses idéologies prenant le pas sur toutes pensées humanitaires. Seule la victoire compte !

Un communisme archaïque ne reposant plus que sur des principes et des visions économiques encore plus proches de jour en jour d’un capitalisme outrancier.

Marc Charuel pose clairement la question: Pourquoi des années de guerre, de massacres, d’ingérences françaises puis américaines avec leurs lots d’abominations, et ensuite des tentatives d’annexion du Laos et du Cambodge par le Vietnam, utilisant les mêmes armes qui avaient fait de ce pays un symbole de l’acharnement guerrier, pour continuer sous couvert d’une démocratie de façade à entretenir ce conflit qui semble ne jamais vouloir finir.
Un immense livre, un témoignage, une tranche d’Histoire mais aussi un formidable roman d’aventures, d’espionnage… Le lecteur y puisera ce qu’il souhaite y trouver.

Ludovic Francioli