Dans les yeux de la fillette, une supplique hurlante et muette, s’il te plaît, Maman, reviens. Mais Rosine ne peut pas l’entendre, elle est ailleurs, dans un trou noir, la boîte noire, un trou où il n’y a rien. Sandrine COHEN

chronique dora suarez Rosine, une criminelle ordinaire - Sandrine COHENClélia Rivoire est enquêtrice de personnalité, elle intervient quand un suspect est en passe d’être jugé. Elle ne cherche pas  qui a tué mais pourquoi. Qu’est-ce qui fait qu’un jour un homme, une femme ordinaire, bascule et devient un criminel ordinaire ?
Un jour, Rosine Delsaux, une femme, une mère, une amie parfaite, tue ses deux filles. Elle les noie. Elle ne sait pas ce qui s’est passé, comment a-t-elle pu faire ça ? Elle culpabilise, s’accuse d’être un monstre. On ne tue pas ses deux filles comme ça. Il y a forcément quelque chose dans la vie de Rosine qui a « permis » ce crime. Avec l’aide de Rosine, Clélia va rechercher quoi.

Bouleversé par ce roman, je l’ai gardé en moi longtemps après avoir refermé le livre, je l’ai mâché et remâché, de jour comme de nuit. Tel la vache qui rumine, mon esprit régurgitait des instants de lecture afin de les rendre plus aisés à être assimilés, il me fallait réduire l’impact, faire “passer” ce qui ne pouvait encore trouver sa place en moi, il me fallait digérer…
Ce n’est pas rien de parler de la mort d’un enfant, de deux enfants. Ce n’est pas rien de parler d’une mère qui commet cet acte criminel.
Il a fallu je pense, un énorme courage pour écrire les cinq premières pages de son roman, comme il m’a fallu résister à cette pulsion de rejet, cette envie d’envoyer ce livre au diable, cette peur qu’en avançant dans ma lecture je sois confronté à nouveau à cette solitude du témoin inactif, du voyeur de l’impensable. Comme coupé du monde au sein de cette salle de bain à rabâcher une comptine idiote, pour qui ? pourquoi ?

Et apparaît l’autre personnage central du récit : Clélia, l’extravagante Clélia, l’enquêtrice de personnalité auprès des tribunaux, mandatée par le juge d’instruction.
Une furie, toujours en colère contre un système juridique qu’elle juge obtus, elle outrepasse les règles de son métier, se jette corps et âme dans cette affaire, met en péril sa carrière et aussi sa vie, son équilibre psychique étant déjà fortement tourmenté, elle est un personnage « borderline ».
Tout le roman est une course contre la montre afin d’obtenir les éléments qui permettront d’expliquer ce crime, d’en élucider les tenants et les aboutissants car la date du procès approche.
Clélia va mener une guerre sur tous les fronts y compris dans son engagement personnel et tant pis pour les dommages collatéraux car ce sont ces dommages là qui ouvriront la voie vers plus de justice.

Vous l’aurez compris, ce premier roman est juste magnifique, une belle réussite, c’est pourquoi il est nominé dans la sélection “Premier Roman” pour le Prix Dora-Suarez 2021.
Maintenant un clin d’œil à Sandrine COHEN qui est non seulement écrivaine mais aussi réalisatrice, scénariste et comédienne, je lui offre mon casting imaginé pour un visuel de cet ouvrage :
Rosine : Sylvie TESTUD
Clélia : Mathilde SEIGNER
Isaac : Francis HUSTER
Samuel : Jacques GAMBLIN