L’important en enfer c’est de survivre

Michel AUDIARD

Il n’y a pas pire vengeance que ce qui blesse ceux qu’on aime.
À moins qu’on ne les tue.
Il n’y a pas pire obsession qu’un fantôme qui vous hante.
À moins que ce ne soit celui d’un ami.

Il n’y a pas pire crime que de tuer une enfant.
À moins de la tuer deux fois.

Un New York sombre et violent, avec des rues comme des canyons dans lesquels la vie se perd et la mort s’engouffre. Avec fracas parfois, comme lorsqu’elle vient saisir une petite fille, retrouvée assassinée, le corps mutilé, au milieu d’un amas d’épaves de voitures.
En équilibre précaire, accroupi tout en haut d’une pile de carrosseries déglinguées, Pfiffelmann interroge son partenaire, l’inspecteur Donnelli :  » Alors, tu en dis quoi ?  » Un début d’enquête somme toute normal.
Sauf que  » Pfiff  » est un fantôme, qui exige lui aussi la vérité sur les circonstances de sa mort. Comme si Donnelli n’avait pas déjà tout son soûl de crimes, d’obsessions et de vengeances. Comme si la ville ne lui avait pas déjà arraché un lourd tribut.
Pourtant, une fois par an, New York lui offre aussi un instant magique, lorsque le soleil couchant symétrique et flamboyant du Manhattanhenge prend la 42e rue en parfaite enfilade. Une illumination divine, comme la révélation d’un indice éclaire un crime d’une lumière nouvelle. Avant que tout, la ville comme la vie de Donnelli, ne sombre à nouveau dans la nuit.
Un polar noir et puissant, dans une ville que l’on croit connaître mais dont Roy Braverman fait un portrait inédit, aussi tragique et attachant que ses autres personnages, aussi à l’aise dans l’humour que dans le suspense, et porté par une écriture remarquable.

Il y a deux façons d’aborder les romans de Roy BRAVERMAN

Vous plongez dans une nostalgie des polars américains années 80/90 à la manière de « 48 Heures », la série « Deux flics à Miami » ou encore « Cliffhanger » ces fameux polars survitaminés qui laissent flotter l’humour dans les mêmes eaux que la violence.

Ou alors, selon les mêmes références cinématographiques vous plongez chez Walter HILL, chez KITANO, chez Alan PARKER, chez Denis HOPPER.

A la manière de la série « HAPPY » créee par Grant MORRISON, Donnelli a un interlocuteur imaginaire, chez Grant MORRISON il s’agit d’une licorne facétieuse à la manière d’un Jeminy Crickett, chez Roy BRAVERMAN il s’agit d’un fantôme, celui de Pfiffelmann le coéquipier de Donneli tué en mission.

Dans les deux cas, les dialogues sont grinçants, les paroles prononcées sont à la fois des mises en garde, des reproches et des regrets. Roy BRAVERMAN sait construire des dialogues qui sonnent comme des actions et font parfois même encore plus mal.
Soyons « léger » et sourions aux interventions de Pfiff et aux situations cocasses que cela engendre, comme nous pouvions sourire à l’apparition de Mardiros le collecteur de dettes dans la trilogie « HUNTER » (l’arménien est précautionneux..)
Mais ne sont-ils pas tous les deux des personnages mythiques qui sous des aspects ironiques représentent l’essentiel des remords et des échecs, l’un ne serait-il pas CHARON le collecteur des âmes qui échange de quelques pièces faisaient traverser les morts pour les rivages d’une autre vie, et l’autre ne serait-il pas l’OEIL qui dans la tombe regardait Caïn.
Donnelli a beaucoup à se reprocher, sa culpabilité est avérée et avec tout ce qu’il avale il n’est pas étonnant que sa culpabilité s’exprime sous formes hallucinatoires et là plus rien n’est drôle, et comme dans la trilogie HUNTER la tragédie prends le pas sur la forme qui se voudrait quelque peu détachée en face de ce déchainement de violence.
Roman NOIR, très noir et ce n’est pas le phénomène « Manhattanenge » qui donnera une clarté et réparera les malheurs dans lesquels cette ville est engluée.
Le vice, la souffrance…on s’en fout t’es mort(e), t’es une petite fille un petit garçon, un vieux, une vieille, un branleur, un braqueur, un commerçant, un parent ou tout autre tu ne survivras pas…tu es de la viande morte ou vivante à monnayer.