Valérie Allam signe avec « Envole-moi » un grand roman, très noir et très poétique.

Une symbolique, les oiseaux. Corbeaux, corneilles, oiseaux noirs, qui traverseront l’ensemble du récit et dont la mission sacrée, depuis la nuit des temps, est d’accompagner les morts dans l’au-delà.

Et des histoires croisées. Celles de deux rescapés d’un internat pour enfants en difficulté. Mick le bagarreur, devenu garagiste, Lily qui se peint des plumes sur le corps en attendant de s’envoler. Celle de Jésus, au passé trouble, qui n’arrive plus à s’exprimer et note tout ce qu’il ressent dans son calepin. Celle d’une dame qui apprend le piano avec un professeur qui semble lui redonner goût à la vie, jusqu’à ce que son épouse disparaisse. Et la mère de Jésus, dont le principal souci est le déménagement d’un cimetière.

Et puis, il y a Aernoult, un maffieux belge qui tire beaucoup de ficelles et, de par son réseau de prostitution et le trafic de voiture qu’il organise, régit la vie de tout ce petit monde. Et puis, et puis…

D’abord il y a celui qui ne parle pas, il s’appellerait Jésus, il ne parle pas ou seulement à un oiseau sinon il écrit dans des carnets. et puis il y a Duncan le moineau qui écoute Jésus, qui parle à Jésus et qui lui offre une bande son correspondant à ses humeurs, Duncan il ou elle est dedans comme dehors.
Il y a Mick, de la graine de « marlou », du pas fréquentable, violent, délinquant mais éperdument amoureux à sa manière de Lilly la femme-oiseau qu’il détient prisonnière dans une casse automobile le temps de lui confectionner des ailes dessinées sur tout le corps pour qu’elle puisse s’envoler.

Ce rêve en demi-cauchemar va être décimé par la réalité, tout ne peut pas être aussi poétique, il y a des cadavres à déterrer et particulièrement celui de Clara, personnage qui hante le récit en recherchant une fenêtre qui n’a jamais existée à travers la musique classique qu’elle interprète au piano jusqu’à quelle découvre qu’elle est faite pour jouer un requiem comme Claire, la mère de Jésus qui ne joue plus à rien sauf peut-être mourir pour de vrai, mais est-ce un jeu que de finir dans une fosse commune.
Et Stella déjà morte qui habite ce récit comme les oiseaux virevoltent, elle s’épanche auprès des carrosseries qu’elle caresse comme pour mieux succomber au hasard de son envol à la chaleur de Mick.

Je savais qu’en lisant les cent premières pages du manuscrit de Valérie ALLAM j’allais droit dans un roman très noir et surtout dans un roman complexe, comme un roman de perdition et j’étais partagé entre l’envie de m’y jeter et une crainte de m’y perdre.
L’ouvrage publié m’a donné raison, je souhaitais mettre des mots et une musique, cela m’a pris beaucoup de temps pour ne pas coller à l »évidence » et j’espère que les lectrices et lecteurs de ces lignes pourront rejoindre cette émotion qui m’étreint à chaque lecture de Valérie ALLAM.