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Dora-Suarez : L'actu littérature noire

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Chroniques

Retrouvez ici toutes les chroniques de littérature polar par Ludovic et Emma.

BROUILLARDS – Victor GUILBERT

Marcel Marchand, excentrique espion des services secrets français, est assassiné par des agents de la CIA dans l’immense réserve d’accessoires d’un célèbre théâtre de New York : le Edmond Theater.

Avant de mourir, il a eu le temps de dissimuler, dans le fatras de décors et accessoires de scène, un mystérieux objet que la CIA comme la DGSE veulent récupérer.

Suspectant que l’identité de nombre de leurs agents est tombée entre les mains des renseignements américains à cause de cet espion décédé soupçonné de trahison, les services secrets français veulent envoyer un inconnu hors du circuit pour récupérer l’objet caché. Or, Marchand a eu le temps de griffonner un nom avant de pousser son dernier soupir : « Boloren ». Comme le nom de cet ancien flic, Hugo Boloren, qui s’ennuie dans sa formation de zythologue (« c’est comme œnologue mais pour la bière ») dans un petit village de montagne.

Le colonel Grosset, haut gradé de la DGSE et cousin de l’ancien commissaire d’Hugo Boloren, va donc le convaincre de partir à New York, de s’infiltrer dans le Edmond Theater, d’identifier et de récupérer l’objet caché. Et même si le colonel Grosset lui rappelle que sa mission se limite à retrouver l’objet caché et le rapporter en France, la petite bille qu’Hugo a dans la tête lui souffle de regarder plus loin. Alors qu’au milieu de ces brouillards, la tragédie rôde, prête à frapper Hugo Boloren de plein fouet.

Poets of the Fall – Carnival of Rust (Official Video w/ Lyrics)

Encore une fois un indispensable de cette nouvelle génération d’auteur(e)s hexagonaux, après “DOUVE” “TERRA NULLIUS”, voici “BROUILLARDS”.
Mais pourquoi cette obsession ? Recouvrir ses personnages d’une chape, dans “Douve” le village est un cul-de-sac recouvert par des nuages, “Terra nullius” est un labyrinthe plongeant dans une décharge géante, et c’est la ville de New York qui est empaquetée dans un brouillard insondable et les souterrains d’un théâtre de Broadway qui abritent la plus gigantesque réserve de décors connue.
Quand j’ai rencontré Victor j’aurais pu lui poser la question mais ni “Douve” ni “Brouillards” ne faisaient partie de mes lectures, alors je m’interroge.
J’oserai une option : à l’instar d’Agatha Christie qui mettait en place ses récits en lieu-clos, une maison, une île, un village, Victor enferme ses personnages et tel l’entomologiste les regardent se croiser, se bousculer, se mentir.
Et quels personnages !
Le récurrent Hugo Boloren qui n’est jamais mieux que confronté à l’inexplicable, incapable d’une vie privée car trop d’affects mais trop de parasite, soyons clair : il est completement barré et si Hercule Poirot avait ses petites cellules grises, lui a la bille, inexplicable bille qui se met en branle dans une métaphore de son psychisme.

Ce livre est une pépite.
Et nous n’avons pas parlé- entre autres- du décorateur de théâtre dandy trisomique, de l’éclairagiste aveugle, du directeur exhibitionniste etc…une revue de “freaks”.

Victor GUILBERT a été récompensé par le Prix DORA-SUAREZ 2022 pour TERRA NULLIUS chez HUGO Thriller.

MIAM – Christophe TABARD

Décembre 1999. Lothar, la tempête du siècle. Le cimetière de Pantin, en banlieue parisienne, n’est pas épargné. L’un des cercueils laisse à découvert le squelette du petit Daniel Lechu,
3 ans au moment de son décès. Un squelette à qui il manque les côtes.
Les parents du garçon vont mener leur propre enquête et essayer de découvrir qui a profané le corps de leur enfant et, surtout, pourquoi ?
Et puis il y a Elsa qui aime sa petite vie tranquille et bien réglée.
Elsa qui ne se mêle pas de la vie des autres jusqu’à maintenant…

Roman atypique où se mêlent tragédies et humour noir.
Roman noir bien sûr où on rencontre un flic pourri, une vieille dame recluse chez elle parmi ses livres, un couple de bouchers plus beauf que beauf frappé par le malheur et la mesquinerie, la haine au quotidien.
On est en 1999 et pourtant j’ai eu le sentiment tout au long de ma lecture d’être dans les années 50, chez Simenon ou chez Audiard.
L’auteur maîtrise son sujet d’un bout à l’autre du récit, les événements s’enchainent sans discours inutiles jusqu’au final qui nous plongera dans l’horreur absolue.
C’est une lecture addictive, délicieuse, roborative, d’ailleurs tous les adjectifs du langage gastronomique se prêtent à cette plaidoirie.

Cet ouvrage est sélectionné pour les Prix Dora-Suarez 2023

LE PRODIGIEUX DETECTIVE – C. H. DE BURGH

Le Prodigieux détective, c’est l’histoire de Virgil Lennox, jeune homme frondeur vivant avec son père au fin fond du Nevada, dans la mal nommée bourgade de Perfection.
La vie s’y écoule classiquement, c’est-à-dire assez rudement – nous sommes à la fin du XIXe siècle -, jusqu’à un soir d’orage durant lequel Virgil est foudroyé. À son réveil, il se découvre un don pour l’investigation et se lance dans une succession d’enquêtes qu’il résout avec brio. Fort de ses succès, il part pour la Californie se confronter à d’autres énigmes..

Ce roman est comme un « best-off » de ce que le roman policier et particulièrement le roman à énigme a engendré de ses meilleurs détectives, c’est aussi un roman hommage à toutes ces personnalités du monde des arts ou du spectacle qui ont façonné ce « Nouveau Monde » entre le crépuscule du XIXe et l’aube du XXe siècle.

Ce roman est lui-même une énigme en soi dont je ne dévoilerai bien sûr pas le dénouement qui ne manquera d’en étonner plus d’un.

Alors, roman policier ? roman à énigme ? roman d’aventures ? roman historique ?
Et bien, tout ça à la fois raconté avec une écriture brillante et un extraordinaire sens de la manipulation qui s’installe dès les premières lignes de l’avant propos.

Ce roman a été sélectionné pour le Prix DORA-SUREZ 2023.

AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES – James HOLIN

Il est six heures du matin quand la police défonce la porte du jeune Nolan Dardanus à Bobigny. Les policiers cherchent son frère impliqué dans un trafic de stups. Si le frangin a échappé au commissariat, il reste en mauvaise posture, séquestré par Nacer à qui il doit 100 000 euros. Nolan affranchi par le caïd a jusqu’à 22 heures pour apporter l’argent. Heureusement, il reçoit une lettre d’un notaire de Laon, l’invitant le jour même aux obsèques et à la succession d’un oncle inconnu.
L’occasion de récupérer de l’argent. Le jeune homme fonce en Picardie. Là-bas, l’oncle d’Amérique se révèle être son père. Les présentations avec ses frères et soeurs sont courtes, car le testament les somme de s’entendre sur la succession dans la journée. S’ils n’y parviennent pas, un seul héritera de tout.

James Holin nous prouve une fois de plus que les codes inhérents au genre n’ont aucune prise sur lui. Et là il excelle dans un récit iconoclaste sur une trame très classique -la course à l’héritage dans un temps donné- qui met en scène une galerie de personnages bien déjantés aux motivations plurielles.
Se glisse à l’intérieur de cette famille hétéroclite celui que personne n’attendait : le demi-frère d’origine antillaise qui pour le coup a une motivation vitale puisqu’ il doit payer une rançon à un caïd de la pègre pour négocier la libération de son frère.
Tout ceci donne droit à une succession de situations plus cocasses les unes que les autres entre l’agitation hystérique des uns faisant basculer tout ce petit monde dans une course poursuite tourbillonnante et le calcul froid de certains autres qui atteindra son apogée quand une partie de l’héritage disparait.
Les dialogues sont succulents, les réunions de la famille -notamment chez le notaire- engendrent un chassé-croisé de répliques cinglantes et d’humour ravageur.
Vous l’aurez compris c’est un chef-d’oeuvre d’humour noir qui doit autant à Audiard qu’aux Monthy Python.

Ce polar qui n’en est presque pas un mais pourrait à tous moments le devenir est un régal doublé d’un livre qui fait du bien. C’est bon de rire.

DANS LEUR OMBRE (Une enquête de Wilkes et Bennett)

Le retour tant attendu des deux enquêteurs Wilkes et Bennett. Pour un crime ? Non ! Pour un mariage, celui de Bennett. Mais cet heureux événement dans leur belle Londres victorienne va virer au cauchemar lorsqu’un cadavre s’invite à la fête. Wilkes et Bennett ne sont pas sur l’affaire. Ils devront naviguer entre trahison, mystère et part d’ombre. Dans leur ombre.

Une enquête palpitante de Gaëlle Perrin-Guillet, qui clôture avec brio sa trilogie aux personnages attachants et dont l’écriture nous plonge avec fascination au coeur d’une époque qui marque un tournant majeur pour la police

Cette chronique aurait pu ne jamais voir le jour enfouie qu’elle était dans mes brouillons et je m’en excuse.

Un cadavre découvert sur le lieu même du mariage de Bennett cela veut dire fin de la noce et pour corser le tout l’affaire ne sera pas confiée à notre duo d’enquêteurs mais à l’infâme commissaire Burnett de la division S. Mais cela n’est pas du goût de Henry et Billy qui se lancent malgré tout dans l’élucidation d’une affaire bien plus complexe qu’il n’y parait.
Ce que nous propose l’auteure n’est pas seulement une plongée dans le crime mais bien dans l’exploration de cette fin du XIXe riche en progrès scientifiques et en pleine mutation de la réflexion sur la police, ses méthodes, ses résultats.
Si ce siècle et sa société victorienne n’aura pas été des plus tendres pour la population anglaise – Jack l’Eventreur, la prostitution, les tripots, les bandits à la petite semaine prêts à dégainer le surin, les pick-pockets, la misère – particulièrement en milieu d’urbanisation galopante telle Londres et ses mystères, l’auteure ne nous assène pas une dimension sanglante dans le récit, pas de complaisance.

C’est avec regret que l’on quitte notre duo, pour les laisser sans doute savourer une vie plus paisible. Et je ne doute pas que Gaëlle PERRIN-GUILLET ai encore quelques romans dans sa besace à nous faire partager.

DRAUGEN – Sébastien BOUCHERY

Katy Larson, romancière à succès, revient à Honey Falls, sa ville natale. Son retour va faire ressurgir d’anciens cauchemars, notamment la disparition de l’un de ses amis d’enfance, enlevé par Candel Wax. Ne pouvant résister à la tentation de régler ses comptes avec son passé, Katy Larson décide de retrouver l’homme acquitté au moment des faits et d’en finir avec lui. Mais son chemin est jalonné de pièges et de dangers, car Candel Wax reste l’assassin machiavélique qu’il a toujours été. Une curieuse alliance va alors devoir se former et un duel à mort s’engager.

Un roman qui en 540 pages emmène le lecteur à travers tous les aspects du roman noir.
On y retrouve la sensibilité et la fluidité du récit d’un Stephen KING, la présence du croque-mitaine aussi angoissante que la façade de sa demeure, les magouilles politicardes, l’ultra-violence d’un hard-boiled.
Sébastien BOUCHERY serait-il le maître du cliffhanger ?
Jusqu’à la page 470, impossible de deviner le tournant que peut prendre cette histoire dense, sans concessions dans laquelle nous sommes entrainés depuis les premières lignes du récit.
C’est un livre qui compte dans le paysage du polar et qui devra compter encore longtemps tant je pense qu’il n’a pas effectué le voyage littéraire qu’il mérite.

C’EST TON NOM – Laurent RIVIERE

Franck Bostik, l’ancien flic de Nevers, vient d’apprendre qu’il avait eu un fils douze ans plus tôt. La mère cherche à le mettre devant ses responsabilités, alors que l’adolescent devient compliqué à gérer.
Ayant hérité d’une parcelle de bois dans le Morvan, Bostik décide de s’y réfugier pour réfléchir à cette soudaine paternité.

Dans ce Morvan profond, il apprécie la compagnie de Thibaud, un jeune bucheron aussi doué que taiseux dont les silences cachent peut-être bien des choses.
Là-bas, Franck renoue avec son amie Livia, une archéologue rencontrée lors de fouilles sur le site de Bibracte. Elle lui demande de l’aide pour identifier des ossements mystérieusement retrouvés dans la cave d’une vieille maison au pied du lac de Pannecière. Ceux-ci correspondent au squelette d’un enfant d’une douzaine d’années, qui a manifestement été maltraité.
Douze ans, l’âge du fils de Franck.
Enquête policière et quête intérieure se mêlent. Franck va-t-il réussir à rencontrer son fils, à assumer un rôle de père ? Et qui est cet « enfant du Lac » ? Que lui est-il arrivé ?

En ouvrant un livre de Laurent RIVIERE je me laisse accompagner au fil des quelques premières lignes dans ce monde qui le caractérise si bien, un monde d’humanité et d’une certaine nostalgie de cette société pas si ancienne que ça qui s’entretenait à travers le travail, les liens familiaux, l’amicalité et les travers de tous en chacun exprimant avec plus ou moins de violence la souffrance d’un peuple, de ces « gens de peu » comme il est dit au début du roman.
Le voyage aux multiples étapes et multiples rencontres ne se teinte qu’à peine d’un sourire face aux déboires affectifs de Bostik avant de retomber dans ces méandres cruels de l’Histoire à travers l’Odyssée des enfants déplacés les « Petits Paris ».

Avec « Le dernier Sycomore » Laurent Rivière faisait revivre cette époque des cités ouvrières, des engagements politiques, des engagements sportifs. Tout un monde renaissait à mes yeux.
Les « Petits Paris » est sans doute une histoire que d’aucuns d’entre nous auront oublié tel une décision politico-sociale sensée prouver la bonne volonté d’un gouvernement se préoccupant de la population et particulièrement des moins bien nantis pour les jeter dans un monde d’esclavage, de souffrance avec la bénédiction de Dieu et du gouvernement.

ENVOLE-MOI – Valérie ALLAM

Valérie Allam signe avec « Envole-moi » un grand roman, très noir et très poétique.

Une symbolique, les oiseaux. Corbeaux, corneilles, oiseaux noirs, qui traverseront l’ensemble du récit et dont la mission sacrée, depuis la nuit des temps, est d’accompagner les morts dans l’au-delà.

Et des histoires croisées. Celles de deux rescapés d’un internat pour enfants en difficulté. Mick le bagarreur, devenu garagiste, Lily qui se peint des plumes sur le corps en attendant de s’envoler. Celle de Jésus, au passé trouble, qui n’arrive plus à s’exprimer et note tout ce qu’il ressent dans son calepin. Celle d’une dame qui apprend le piano avec un professeur qui semble lui redonner goût à la vie, jusqu’à ce que son épouse disparaisse. Et la mère de Jésus, dont le principal souci est le déménagement d’un cimetière.

Et puis, il y a Aernoult, un maffieux belge qui tire beaucoup de ficelles et, de par son réseau de prostitution et le trafic de voiture qu’il organise, régit la vie de tout ce petit monde. Et puis, et puis…

D’abord il y a celui qui ne parle pas, il s’appellerait Jésus, il ne parle pas ou seulement à un oiseau sinon il écrit dans des carnets. et puis il y a Duncan le moineau qui écoute Jésus, qui parle à Jésus et qui lui offre une bande son correspondant à ses humeurs, Duncan il ou elle est dedans comme dehors.
Il y a Mick, de la graine de « marlou », du pas fréquentable, violent, délinquant mais éperdument amoureux à sa manière de Lilly la femme-oiseau qu’il détient prisonnière dans une casse automobile le temps de lui confectionner des ailes dessinées sur tout le corps pour qu’elle puisse s’envoler.

Ce rêve en demi-cauchemar va être décimé par la réalité, tout ne peut pas être aussi poétique, il y a des cadavres à déterrer et particulièrement celui de Clara, personnage qui hante le récit en recherchant une fenêtre qui n’a jamais existée à travers la musique classique qu’elle interprète au piano jusqu’à quelle découvre qu’elle est faite pour jouer un requiem comme Claire, la mère de Jésus qui ne joue plus à rien sauf peut-être mourir pour de vrai, mais est-ce un jeu que de finir dans une fosse commune.
Et Stella déjà morte qui habite ce récit comme les oiseaux virevoltent, elle s’épanche auprès des carrosseries qu’elle caresse comme pour mieux succomber au hasard de son envol à la chaleur de Mick.

Je savais qu’en lisant les cent premières pages du manuscrit de Valérie ALLAM j’allais droit dans un roman très noir et surtout dans un roman complexe, comme un roman de perdition et j’étais partagé entre l’envie de m’y jeter et une crainte de m’y perdre.
L’ouvrage publié m’a donné raison, je souhaitais mettre des mots et une musique, cela m’a pris beaucoup de temps pour ne pas coller à l »évidence » et j’espère que les lectrices et lecteurs de ces lignes pourront rejoindre cette émotion qui m’étreint à chaque lecture de Valérie ALLAM.

LE FRIC OU L’ETERNITE – Paul CHAZEN

« Finalement, la seule chose qui ne changera jamais, c’est que tout change tout le temps… »
Ici, la Famille avait toujours régné en maître absolu. Socrate, lui n’en savait rien et n’en soupçonnait même pas l’existence. Mais comme au flipper, parfois il y a des rencontres qui bouleversent les destins ! Pour Socrate, ce sera Nino. Et avec lui son cortège de tsunamis. Parce que, il faut bien le dire, tueur, ce n’est quand même pas un métier comme les autres ! Gratifiant ? Oui, bien sûr. Mais pas facile tous les jours de tenir sans arrière-pensée la balance du jugement dernier ! Parfois, il suffit d’un rien…

D’abord c’est l’enfance, puis l’adolescence baignée dans la misère, la vie en taudis avec un père alcoolique, les dimanches au bidonville où vit la grand-mère qui sent le saucisson à l’ail et prépare un bortsch qui semble bien peu appétissant mais aussi un makowiec succulent gâteau aux graines de pavot avec des fruits secs, le cauchemar des chiottes empuantis et le tintement de la musique du rideau de la grand-mère entièrement fait en capsule de bière.

Et puis la rencontre tardive dans un rade avec un mec bourré qui lui propose un job vraiment pas comme les autres.
Alors le gamin des friches et des bidonvilles devient Socrate le tueur à gage, sans plus d’états d’âme que ça il prend le taf, l’exécute et touche l’argent : 50 briques pour s’acheter un bateau, rester à quai et ne pas vivre comme tout le monde.

Témoin d’un tabassage en règle sur un bas-port Socrate sans hésitation dégaine son Glock et abat les deux brutes avant de s’enfuir avec la victime et la ramener sur son bateau.
Troisième étape dans sa vie : la rencontre avec Nino.

Nous pourrions dire que Socrate se sédentarise, voire se fonctionnarise auprès de son nouvel employeur qui n’est autre que la mafia, tout roule entrecoupé de mini festins de « pasta » et rosé exceptionnel. Les contrats s’enchainent, les morts s’accumulent mais les emmerdes aussi et il faudra bien prendre une décision : pourquoi pas foutre le bordel et que les autres s’entretuent, tous seuls.
Alors comme Socrate n’a toujours pas adhéré à des états d’âmes ou encore à une morale, comme vous le souhaitez, il déclenche l’enfer avec un détachement jouissif.
Peut-être est-ce l’effet de cette nouvelle rencontre avec Mr Wu maître en sagesse…mais laquelle ?

Remarquable roman, direct, brutal avec son personnage qui en a déjà assez vu pour se lancer dans une aventure inouïe, tout ça avec un détachement qui caractérise ceux qui savent déjà qu’ils vont réussir.

LA MECANIQUE DU PIRE – Marco PIANELLI

« Pour combattre des démons, on gagne à faire appel au Diable, lui avait dit un jour un chef de clan en Afghanistan. »
Lander doit se rendre à Paris pour accomplir sa dernière mission. Un objectif très à risques, véritable raison de son retour en France et de son changement d’identité. Pour lui, le compte à rebours est déjà lancé. Mais en chemin, il croise la route de Marie. Une jeune veuve dont l’époux policier s’est « suicidé » il y a quelques années, la laissant seule avec leurs deux enfants et beaucoup trop de questions… Lander a un doute, une intuition… Derrière ce geste désespéré, n’y aurait-il pas la marque du Mal ? Comme les ténébreux agissements de la BAC 96 qui semble avoir mis la ville sous sa coupe ! Implacable et plus enragé qu’un fauve, Lander se lance à corps perdu dans ce combat, bien décidé à faire place nette et à rétablir la vérité !

Lander est une bête de guerre, une machine à tuer pour faire régner « sa » justice » et par la même occasion solder l’addition qui traîne depuis trop longtemps sur les bureaux de la BAC.
Lander c’est Charles Bronson ou Clint Eastwood s’il avait existé il y a maintenant de nombreuses années, maintenant c’est plus Vin Diesel mais il n’en reste pas moins ce héros que parfois nous avions un peu honte d’aimer, ce « vigilante » sans pitié qui nous envahissait de questions « avons nous le droit de faire justice? », « quelle est la limite du meurtre ? ».
Lander balaie toutes ces interrogations les reléguant même au rang de « pudeur de jeunes filles ».
Qu’importe, le train est lancé et personne ne peut l’arrêter. Implacable du début à la fin et comme Lander la lecture est inarrêtable.

COMME UNE IMAGE – Magali COLLET

Lalie a 9 ans, un teint de pêche et des joues roses. Elle a aussi deux frères et des chatons, une belle-mère et deux maisons.
C’est une enfant intelligente et vive, une grande sœur attentionnée et une amie fidèle.
C’est la petite fille que chacun aimerait avoir.
D’ailleurs, tout le monde aime Lalie.
Tout le monde doit aimer Lalie.
C’est une évidence.
Il le faut.

L’auteure Magali COLLET pose les bonnes questions concernant une enfance (toutes les enfances ne se ressemblent pas et n’induisent pas les mèmes effets). Effectivement selon la classification officielle des troubles de l’enfant on ne peut pas parler de psychopathologie, terme déjà énormément galvaudé, particulièrement chez nos confrères écrivains mais totalement inadapté à la structure psychologique de l’enfant, nous parlerons donc d’une structure adulte déviante.

En l’occurence je pense (et cela n’engage que moi) la « douce » Lalie souffre d’un syndrome de perversion narcissique que je me garderai bien d’expliquer.

Ceci étant dit le roman est parfaitement maitrisé, sans temps morts, un « page-turner » implacable, une plongée dans l’inexorable, un appel au gouffre des émotions, qui s’y frotte s’y perd au gré des émotions de rejets, parfois de haine. Nul n’en ressort béni dans ses actions et réactions, tous fautifs. Mais comment s’en sortir devant une telle complexité qui est le propre de la perversion.
C’est un roman noir, très noir qui m’a fait ressurgir des événements (nullement aussi dramatiques) de ma carrière professionnelle.
Quarante années de psychiatrie m’ont amené à rencontrer la « perversion infantile » et heureusement je n’ai jamais été confronté au crime.

https://www.la-clinique-e-sante.com/blog/relations-toxiques/reconnaitre-pervers-narcissique#:~:text=Le%20pervers%20narcissique%20se%20consid%C3%A8re,valoriser%20aupr%C3%A8s%20de%20son%20entourage

SKAER – Philippe SETBON

Pays Basque. Dans une grande maison de maître, Harriet, la gouvernante, s’active. « Monsieur » doit bientôt arriver de Suède, ainsi qu’un mystérieux « colis ».
Non loin de là, mais ignorant tout de cette demeure, Skaer vit seul, en ermite. Mais un drôle d’ermite. Un baroudeur, plutôt, passant son temps à maintenir sa condition physique, à s’entraîner. Mais à quoi ?
On comprend rapidement qu’il s’agit d’un ancien militaire. A-t-il déserté ? Lui a-t-on confié une mission ? Il est là, et se tient prêt à passer à l’action.
Mais son plan semble chamboulé quand un soir, dans la seule habitation proche de chez lui, habituellement vide, une mère et sa fille décident de poser leurs valises. Elles semblent fuir quelque chose… ou quelqu’un.

…Dans un mouvement aussi naturel qu’imprévisible, il lui saisit le visage de sa grosse main et lui aplatit le crâne contre le tronc. Un seul coup suffit. La cervelle éclatée, les os broyés, l’homme s’affaissa sans un bruit sur le sol moussu.
– Risque zéro camarade…

Tous les lecteurs de Skaer s’accordent à dire que le personnage qui illumine ce roman est Celestia la petite ado plus futée qu’un renard, plus courageuse qu’une louve protégeant ses petits et plus rayonnante que mille soleil.
Skaer lui, porte en lui et sur toute la surface de son corps les stigmates de sa formation dans les commandos d’élite. Skaer ou Aaron bouillonne de rage alors il s’active pour contenir ce volcan mais quand survient une violence qu’il juge intolérable il rentre dans l’arène. Utilisant tout ce qu’il a appris, tout ce pourquoi il a été entraîné il se lance aux trousses de prédateurs sexuels qui enlèvent des enfants et les torturent pendant des jours.
Pour Skaer, accompagné du capitaine Paul Burgonges grand flic déguingandé, il n’y aura nul pardon. Si le diable s’en mêle il devra compter les morts dans ses rangs.

On le sait, Philippe SETBON est auteur, scénariste, metteur en scène, photographe et c’est dans un style très visuel qu’il nous conte ce récit de fureur et de sang. Je me suis pris à rêver d’une adaptation cinématographique avec ce décor sauvage de la campagne basque, avec ces personnages parfaitement définis dans leurs rôles, les dialogues ciselés et les réparties qui claquent. C’est déjà un excellent roman, ce pourrait faire un très bon film réalisé par l’auteur himself, on a déjà vu de quoi il était capable dans le genre avec son film CROSS.

VOS ENTRAILLES A NOS CHIENS – Pascal THIRIET

Lydia de retour au village est accueillie par le maire, son oncle Bartolomé, qui s’est porté garant suite à la condamnation dont elle a fait l’objet. Zia, sa tante, soigne et propose ici des remèdes pour conjurer le mauvais sort… Andréa, un gamin mazzéru, s’endort, rêve qu’il part à la chasse et qu’au matin il ramène une bête dont la tête est celle de quelqu’un du village qui mourra dans l’année… Depuis que Lydia est de retour, quelques corps de touristes ont été retrouvés éviscérés et suspendus dans les arbres de la forêt proche. Só le merle impérial voit et entend tout mais pas la peine de lui demander quoi que ce soit, il ne parle qu’en songe ou à Lydia. Le juge du parquet de Marseille, nommé sur l’île pour la circonstance, va avoir du fil à retordre pour démêler l’écheveau…

Ce roman nous emmène dans un magnifique écheveau mêlant polar, ruralité, écologie, mythes et légendes.
En effet il y est question de meurtres sanglants et rituels, de la vie au quotidien dans un village de montagne corse, d’un jeune garçon qui reçoit des messages funestes en rêve, d’une jeune femme qui pourrait être porteuse du « don », de sangliers pareils aux hommes.
Tout cela savamment construit pour en faire un magistral récit de sang et d’amour, amour entre les humains, entre les humains et la nature, quelque chose de féerique car les légendes protègent celles et ceux qui y croient même si parfois l’homme vient à forcer le destin.

LA BELLE DE CAUX – Ludovic MISEROLE


https://www.youtube.com/watch?v=jN7j8KdaJ4U
https://www.youtube.com/watch?v=aJZ6itRZbWo

Elle se sait condamnée, victime, comme tant d’autres, de la cruauté des hommes. Ce soir, la belle d’antan vit ses dernières heures. Incapable de bouger, et encore moins d’appeler à l’aide, elle les entend, à la porte, discuter de la façon dont ils vont se débarrasser d’elle. Résignée, elle n’a d’autre choix que de se préparer à l’inévitable en se remémorant les jours heureux partagés avec Maupassant, Massenet, Hugo et tant d’autres, ces fantômes d’une gloire révolue. Et si de son histoire dépendait justement son Salut. Et si… Depuis des années, Ludovic Miserole prend plaisir à raconter le destin de gens ordinaires ayant vécu des choses extraordinaires. Avec La Belle de Caux, l’auteur ne déroge pas à cette règle qu’il s’est fixée. Embarquez dans cette nouvelle histoire dans laquelle le devoir de mémoire se fait ressentir à chaque page.

N’hésitez pas à ouvrir les deux liens indiqués un peu plus haut, ce sont des témoignages audio-visuels des archives de la télévision française concernant l’Hostellerie des vieux plats.

Le prologue nous entraîne dans une vague d’émotions, j’ai su dès cet instant que je n’avais d’autre choix que me précipiter dans la lecture de ce roman étourdissant.
L’auteur nous cache toutes représentations de la narratrice, les deux personnages qui rodent autour d’elle ne sont pas ce qu’ils semblent être et il y a la famille Aubourg resplendissante et courageuse, parfois maltraitée par la vie mais toujours unie avec une détermination sans failles.

Ce récit tout autant historique que romancé nous est conté par l’auteur qui sait ce que chaque mot veut dire. Point de bavardages inutiles pour nous emmener à travers cette fresque artistique
(nous croisons Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Courbet et Monet …), culinaire, les revers dus à la guerre et à l’occupation allemande. Toujours dignes face à l’adversité. La vieille dame qui nous conte ses souvenirs en est la preuve vivante face à la mort qui s’approche.
Ce roman est d’une beauté rare, je crois que je ne pourrai jamais l’oublier et ainsi satisfaire le dernier voeux de La Vieille Dame.

INSTANTS SAUVAGES – Noël SISINNI

Quelque part dans les Pyrénées, Richard Butel, romancier, la cinquantaine, ne parvient pas à surmonter la disparition brutale et inexpliquée de sa femme, Leslie.
Héroïnomane depuis des années, totalement isolé dans son monde, loin des hommes, il vit dans le déni le plus total lorsqu’il fait une singulière rencontre: une très belle louve qui rode autours de chez lui.
Richard décide alors d’apprendre à communiquer avec elle, de devenir sauvage à ses côtés… Il est persuadé que cela lui permettra de renouer avec Leslie…
Cependant, quand le cadavre d’une femme est découvert, dans la montagne, à moitié déchiqueté par les bêtes sauvages, Richard est immédiatement soupçonné d’avoir assassiné son épouse.
Qui, des autorités, de la nature humaine ou de l’instinct sauvage, sera capable de démêler cet étrange écheveau ?

Un roman sur l’absence, la séparation, l’insupportable manque.

Je suis un homme vidé de sa substance depuis la disparition de Leslie, j’ai perdu tout ce que j’avais, j’ai renoncé à écrire, renoncé à vivre. Mon existence psychique est aussi fragile que la structure de ma cabane dans les bois, elle subit les intempéries, les aléas, moi, je m’inflige une perdition à base d’alcool, de tabac, d’héroïne, j’essaie de me fondre dans la terre, les feuilles, les odeurs d’humus, de m’y perdre comme dans une tombe grattée à s’arracher les neurones sans jamais avoir pensé que c’est de là que pourrait venir ma rédemption.
Elle ne s’y est pas trompé la louve blessée, elle est venue se réfugier auprès de celui qui avait autant besoin d’elle que elle de lui.
Richard devra se reconnecter à l’existence, se débarrasser de ses addictions, confondre parfois Leslie absente et la louve toujours en quête d’amour.

Cet insupportable manque !

C’est un des rares roman noir que j’ai lu qui se termine sur une note, que dis-je une symphonie d’espoir,
merci à Noël SISINNI pour ce remarquable roman.

LE MANOIR HANTE – Salvatore MINNI


Lisa et Luca sont deux frère et soeur qui vivent une vie tranquille avec leurs parents à Bruxelles. Jusqu’au jour où Lisa aperçoit une lumière à la fenêtre du vieux manoir Horta en face de chez eux. Or, le manoir est en ruine et inhabité depuis des dizaines d’années… Décidés à élucider ce mystère, les deux enfants ne reculeront devant rien… ou presque!

Dans la collection MYSTERE EN BELGIQUE.
A partir de 7 ans.

LE DERNIER SYCOMORE – Laurent RIVIERE

Le dernier sycomore par Rivière

Radié du commissariat de Nevers en raison de litiges avec sa hiérarchie, l’ex-lieutenant de Police Franck Bostik s’est réfugié à Vauzelles, la Cité-Jardin cheminote de son enfance. Retrouvant là-bas son cousin, un militant collectionneur de tracts syndicaux et dernier mohican à n’avoir pas vendu la peau de l’URSS, Bostik tente de se refaire le moral dans un décor ouvrier qui lui est familier : quatre-cents pavillons identiques au coeur de rues tracées à l’équerre et bordées d’arbres aux essences rares.

Pour passer le temps, Bostik et le Couz’ se sont mis au défi de résoudre une énigme locale : retrouver les individus qui dérobent la tête de la statue de l’Aviatrice, un monument mystérieusement saccagé depuis 1943. Mais Bostik devra vite changer de braquet le jour où la mort surgit brutalement dans sa petite enquête, en apparence anodine.

Quels secrets de famille lui a-t-on caché au cours de ces quinze dernières années ? Le crime a-t-il un lien avec la statue décapitée ? Dans la cité-jardin, les avenues de sycomores lui paraissent tout à coup bien plus inquiétantes que dans son enfance.

Depuis 100 ans la Cité Jardin est un repère, certains vous diront que l’on s’y perd, que les maisons sont toutes les mêmes, c’est bien mal la connaître ! A elle seule, elle inscrit l’histoire de la ville dans l’évolution industrielle de notre pays et de notre territoire. Ce document est une invitation à découvrir les détails et les anecdotes qui font des maisons de la Cité des éléments de mémoire urbaine et ouvrière.

Historiquement au cœur de la vie cheminote au côté des ateliers des chemins de fer, la Cité Jardin a su évoluer au fil du temps : les rues ont pris les noms des Résistants, une piscine s’est installée en son centre, des maisons modernes voisinent avec les maisons ouvrières, les avenues se sont adaptées aux modes de déplacements.

Son implantation au lieu dit Vauzelles et le développement de notre ville autour de ce quartier sont à l’origine du changement de nom de la commune en 1969 : Varennes-Les-Nevers devient Varennes-Vauzelles.

Ils sont fragiles les personnages de Laurent Rivière, un peu de bric et de broc, mal ajustés à la vie mais avec un coeur « gros comme ça » ancrés encore dans l’enfance passée dans ce décor de la Cité-Jardin au plus profond de la « vraie vie », celle qu’on gagne à la sueur de son front avec la peine qui va avec. Alors les ados puis les jeunes adultes enquêtent sur une mystérieuse statue d’aviatrice décapitée une fois l’an, entre les parties de baby-foot et les revendications sociales.
Les jeunes gens vieillissent, Bostik devient flic et le Couz’ un branleur patenté.
Mais quand la mort s’invite le jeu doit cesser, les secrets refont surface, les parties de baby-foot ne sont plus exactement celles que l’on croit connaitre et la statue de l’aviatrice renferme plus de peine et de douleur qu’il n’y parait.

Il n’y a pas de héros dans cette histoire ou alors peut-être la Cité elle-même détentrice de tant d’histoires.

HELOÏSE – Ophélie COHEN

« Toutes les femmes ont une histoire. La mienne est plutôt moche. » À la veille de ses trente ans, au cours d’une nuit entourée des fantômes de son passé, Héloïse va se raconter. Portée par les souvenirs et les remords, elle ouvre la boîte de Pandore. Noir, intime et dérangeant, un roman à la fois sombre et lumineux dans lequel les émotions sont à fleur de mots

Dès le prologue on sait qu’on va plonger dans une histoire noire, glauque, un testament.
Mais le pire reste à venir.

Le mot-clé de ce roman est  » abandon « . L’empreinte de l’abandon originel va façonner la vie d’Héloïse, d’échecs en maltraitances, de violences en blessures dans le cops et à l’âme. De bien trop fugaces éclaircies tentent d’illuminer un peu ce récit sans jamais y parvenir au point tel que le lecteur y prête peu d’attention.
Il s’agit bien d’un récit, nulle intrigue ne vient se prêter à une divergence. Le récit d’une vie perdue, le récit du désespoir, le bilan d’années de souffrance jusqu’à la dernière page et comme pour tout bilan il faut bien en tirer les conclusions qui s’imposent, la sentence sera irrévocable.

Héloïse victime oui, mais aussi bourreau et le statut de l’une ou de l’autre n’est pas plus facile a porté et ne peut que l’enfoncer un peu plus dans les ténèbres de l’Ombre qui l’entoure et la maintient figée dans cette inexorable perte.

C’est un récit poignant, dérangeant et tellement emprunt de vérité.
Ce roman est sélectionné pour le Prix DORA-SUAREZ 2022.

SOUVIENS-TOI DE SARAH – Page COMANN

Diane, éditrice chez Sandwood Publishing à Londres, reçoit un manuscrit anonyme.Une jeune adolescente, Sarah, y confie sa vie de misère dans les années sombres de l’Angleterre des années 60. Elle y avoue aussi les crimes qu’elle a dû commettre pour échapper à son destin. Vraie confession ou habile fiction d’un auteur contemporain?
Bouleversée par ce manuscrit, Diane cherche à en retrouver l’auteur et part sur les lieux où Sarah dit avoir vécu et souffert, quête qui lui fait traverser les paysages époustouflants d’Irlande et d’Écosse.

Comme je l’ai dit précédemment Souviens-toi de Sarah est sans aucun doute le meilleur roman de l’année et j’insiste sur l’appellation « roman » car c’est un ouvrage qui transcende tous les genres.
Même si je connaissais les auteurs en lisant le manuscrit j’ai opéré une forme d’arrêt sur image…
Curieux mais pas impossible, la preuve : j’ai perdu les auteurs de vue et je me suis persuadé que Page Comann était une femme, j’ai mis de côté l’époque pour le vivre dans un monde victorien.
J’avais installé Dickens dans le récit.

Il y a chez Page Comann ce romantisme des faubourgs, de la tristesse et de la souffrance si chère à Dickens. Ce qui nous prouve après réflexion que le monde change très peu, la société évolue peu voire pas surtout quand il s’agit d’exploiter et maltraiter les plus faibles. Quand je parle de société il est évidemment question du clergé et de la bourgeoisie, des institutions en général peu enclintes à renoncer à leurs privilèges.
Dans tous les grands romans victoriens la recherche des origines est au centre de l’intrigue, je pense à Le Quinconce de Charles Pallisser ou aux Illusions perdues.
Ce roman est déjà un « classique » avec son histoire de quête plongeant le lecteur dans l’infamie, son écriture ciselé, pas un mot de trop ni en moins, la fluidité du texte (pas simple dans ce genre d’exercice à quatre mains).
Je réitère : sans doute le meilleur roman de cette année.

NUITS BLANCHES EN NORMANDIE- Jérôme SUBLON

Mort (prononcer « Morte », comme Mort Shuman), est un ancien « enfant-placard ». Il a réussi à sortir de cette enfance tragique en mettant au point une stratégie imparable pour se venger des multiples humiliations dont il a été victime. Le problème, c’est que devenu adulte… il continue. Il transforme la ville de Rouen en terrain de guerre et ce sont sept meurtres inexpliqués que le commissaire Kerny doit résoudre. Mais Kerny, à quelques jours de la retraite, n’a pas envie de se compliquer la vie et traite les dossiers par-dessous la jambe. Le massacre peut continuer…

Une énorme surprise !
En effet croiser Jérôme SUBLON sur la route de cette poursuite infernale ultra-violente n’est pas rien, il ne nous avait pas habituer à ça et il s’en sort très bien.

C’est le récit de l’enfance outragée, sacrifiée.
Mort et Malvina sont tout d’abord des victimes, lui Mort est un enfant du placard dont le seul espace vital est une soupente aveugle sous l’escalier pendant que sa mère se prostitue, elle Malvina prostituée très jeune par sa mère qu’elle finira par tuer en incendiant la maison.
Mort est difforme, bossu, Malvina est belle. Quasimodo et Esmeralda, la Belle et la Bête.
Ils s’unissent dans des noces de sang et de sexe, chevauchant un monstre mécanique, la fameuse Triumph Thruxton 1200, à la recherche des blessures du passé pour faire payer le monde qui les entoure. A chaque nouvelle blessure infligée, une insulte, une moquerie, Mort le
condamne, non pas à mourir mais à devenir un meurtrier.
C’est brutal, rapeux comme de la toile émeri, ça fait mal et ça tache.
Pas un instant de répit dans la lecture car Mort ne s’octroie aucun répit, il persiste, il n’a jamais pu quitter son placard et Malvina l’y a rejoint, il est passé de la masturbation solitaire forcenée à la découverte d’un échange sexuelle même si ses mots traitent l’affaire avec un mélange de vulgarité et de banalité. Mais comment peut-on parler d’amour avec ce fardeau de sa vie, il en est ainsi pour Malvina aussi.

A lire absolument car si on parle de roman noir je crois que là il est difficile de faire plus sombre.

DIEU EST UN VOLEUR QUI MARCHE DANS LA NUIT – Quentin BRUET-FERREOL

https://www.youtube.com/watch?v=vzVKLGLYENU
https://www.youtube.com/watch?v=uo6Su-ywzK0
https://www.youtube.com/watch?v=vBhcGH7s9Ac

Entre roman noir et récit d’initiation, Dieu est un voleur qui marche dans la nuit est le fruit de sept années d’enquête sur la secte Heaven’s Gate, rendue célèbre par le suicide collectif de ses trente-neuf adeptes en mars 1997
Californie, 1997. Trente-neuf corps retrouvés dans une villa. Uniformes noirs. Draps mauves sur le visage. La mort semble être venue à eux paisiblement. Et pourtant, un signal clignote sur tous les ordinateurs : « Alerte rouge ».

Vingt ans plus tôt, Barthélemy, jeune hippie au bout du rouleau, rencontre Dieu lui-même dans un motel miteux. Pour devenir l’un des disciples de ce quadragénaire charismatique, il doit renoncer à l’amour, à sa famille et jusqu’à sa propre humanité. S’il y parvient, son maître lui a promis, il lui ouvrira les portes du paradis.
Pour l’auteur, tout commence le jour où il découvre le site Internet de la secte Heaven’s Gate. Comment peut-il être encore actif, alors que tous ses membres sont morts lors du suicide collectif ?

Première secte de l’ère Internet, Heaven’s Gate annonçait les tensions qui agitent nos sociétés contemporaines. Inspiré de faits réels, ce roman est une plongée vertigineuse dans le fait divers le plus étrange du XXe siècle et dans l’âme de ses adeptes en quête d’absolu, qui nous ressemblent bien plus qu’on ne peut l’imaginer.

passez la première minute, c’est une pub.

Une immersion totale dans un monde qu’à priori mon bon sens aurait renié sans toutefois fait taire ma curiosité.
Deux individus, un homme et une femme surnommés d’une manière ridicule un peu à la façon des télétubbies s’en viennent dans des petites villes prêcher une connexion extra-terrestre qui peut nous emmener directement vers Dieu, à condition de devenir « parfait » et « éligible » au voyage.

Nous sommes en 1977, les citoyens américains se cherchent une voie, qu’elle soit spirituelle ou sociale, ce qui pèse des années précédentes reste un fardeau lourd à porter.
Et comble de la manipulation il n’est demandé à personne de transmettre ses biens et avoirs à la secte, au contraire il faut en faire don à qui on veut et abandonner toute sexualité.
Vingt ans après le désir de règne sans partage viendra à bout de Marshall professeur de chant, homosexuel convaincu et illuminé adorateur de Star Trek c’est la trahison de Bonnie qui contre toute doctrine aura des relations sexuelles et mourra, il entrainera alors avec lui trente huit adeptes dans ce qui devait être l’aboutissement, l’ultime voyage, provoquant parfois la colère de ceux qui ne furent pas invités.

Heaven’s Gate est un regroupement atypique dans le sens où il n’y a pas ou peu de contraintes pour les adeptes, une option « new age » en quelque sorte et surtout basé sur une idée saugrenue: un vaisseau extra-terrestre viendra nous chercher, tenons nous prêts pour ce rendez-vous et nous rencontrerons Dieu
Cela en dit long sur la misère intellectuelle et affective que supporte l’Amérique à cette période de l’Histoire, particulièrement dans l’Ouest du pays.

Ce livre est non seulement passionnant mais aussi très bien composé, argumenté à souhaits, impossible de le laisser, c’est un événement.

 » Deux personnes ont révélé qu’elles venaient du Niveau Supérieur Au-Dessus de l’Humain et qu’elles allaient y retourner à bord d’un vaisseau spatial (ovni) d’ici quelques mois. Cet homme et cette femme expliqueront comment faire la transition du niveau humain jusqu’au Niveau Supérieur, et quand cela peut arriver »

LA TERRE EN COLERE – Nils BARRELLON

Un corps pendu au-dessus du périphérique parisien. Une vidéo revendiquant l’assassinat au nom d’un surprenant Djihad Vert. Le commissaire Bonfils et le groupe Da Silva, de la brigade criminelle de Paris, sont saisis. Très vite, la liste des prochaines victimes est communiquée au grand public. La panique gagne les dirigeants des entreprises les plus polluantes de la planète. Qui sont ces curieux activistes, prêts à toutes les horreurs pour faire entendre leur cause au plus haut niveau de l’État ? Qui tire les ficelles de ces soldats de la Terre jusqu’au-boutistes légitimant leurs actions par l’urgence écologique ? Julien Bonfils va devoir s’employer à faire la lumière sur ces meurtres et découvrir que les grandes causes ne servent pas toujours les grands sentiments.

On est projeté dans une actualité brûlante, que ce soit au niveau de l’urgence écologique que de la manipulation politicienne et mafieuse.
Le roman tient un rythme grâce à des chapitres courts qui font s’enchainer les événements et surtout les cadavres tant derrière une façade de bons sentiments se cachent les bouchers de notre société et les profiteurs de toutes espèces.

Bref, on suit une enquête policière mené de main de maître par Julien Bonfils et orchestrée par Niels Barrellon au mieux de sa forme, encore que ce ne soit pas mon préferé de l’auteur, mais il n’est jamais décevant et j’attendrai comme à chaque fois son prochain ouvrage avec impatience.

7 LETTRES – Olivia HARVARD

« Si tu trouves cette lettre, c’est que j’ai accompli mon travail avec succès :
Colton Crest n’est plus qu’un souvenir, un corps sans vie, une coquille vide.
Tu aurais pu le sauver. Mais tu ne l’as pas fait.
J’ai écrit six autres lettres et les ai cachées dans six endroits différents. Chaque lettre contient une confession. À la fin de la dernière, tu sauras qui je suis.
Prends ton temps.
Moi j’ai tout le mien. »

Après avoir disparu pendant plus d’un mois et être revenu sans aucune explication, Colton Crest a été assassiné. C’est son meilleur ami, Eliott, qui retrouve son corps. Ainsi qu’une lettre, nichée dans sa veste. Signée de la main de l’assassin, elle propose un jeu de piste qui le mènera à six autres lettres. Chacune d’elles le rapprochant un peu plus de la vérité, de l’identité du tueur…

Addictif et haletant, un thriller à conseiller à partir de 16 ans.

LES LEGIONS D’HADES- Cendrine BERTANI

Après Le Seigneur des Anneaux, Les Hobbits, voici une saga phénoménale par la nouvelle déesse du thriller entre mythe et légende historique oscillant entre le présent et la Grèce antique.
Suite à l’assassinat d’un professeur d’archéologie, Athènes sombre dans un chaos orchestré par la secte des adorateurs d’Hadès qui cherche à ressusciter l’héritier du dieu des ténèbres. Tandis que Georgia mène l’enquête, Milos, le fils de la victime, traverse le temps et se retrouve à l’époque de la Grèce antique. Partis à sa recherche, quatre de ses amis font face à de nombreux fléaux

Athènes est terrorisée par les Kopolis, une famille installée au gouvernement, connue par ses opinions d’extrême-droite. Sacrifices, esclavagisme, massacres. Un tandem de flics les affronte. Georgia et Chrysostomis ne sont pas au bout de leur peine. Chacun va payer cher le prix de sa probité. Le fils Kopolis, Enyo, espère être l’Elu, et il se met au service d’Hadès. Le dieu des Enfers fera-t-il de lui son leader, sur Terre ? Les Légionnaires sont-ils prêts à le considérer comme un des leurs 7 En pleine période de guerre, alors que la Grèce subit les ravages de l’épidémie de typhus, nos Voyageurs du temps.
piégés sous le règne de Périclès, essaient de comprendre quelle légion ils devront affronter, Comment pourront-ils rentrer à leur époque ? Les mercenaires au service d’Hadès ont perdu leur humanité, en devenant des démons. Aurélia en est un exemple flagrant. Piégée par un pacte. conclu avec le diable. elle est devenue vampire, et doit se nourrir de sang. Un salut reste-t-il possible ?

Le troisième volume ne saurait tarder, une saga passionnante en 6 volumes à recommander à partir de 16 ans.

LA CHIMERE DE LA DOMBES – Frédéric SOMON

Un matin brumeux dans la Dombes, sept ans après les premiers assassinats d’adolescentes, la découverte d’un nouveau meurtre avec un modus operandi identique, est un choc pour les gendarmes de la section de recherches de Lyon. Ces derniers étaient convaincus d’avoir mis hors état de nuire celui que la presse avait surnommé « Le tueur de la Dombes ». Si le chef Deschamps est chargé de cette nouvelle enquête, il en sera très vite dessaisi lorsque son épouse sera abordée par un inconnu qui s’avèrera être le serial-killer. Se moquant des gendarmes, ce dernier n’hésitera pas à les provoquer, jusqu’à kidnapper, à quelques centaines de mètres de leur caserne, une autre adolescente.
Ces deux affaires entraînent de nouvelles tensions entre la gendarmerie en charge du meurtre et le SRPJ enquêtant dans la disparition d’Alys Valemberg. Une enquête sous haute tension qui mettra tout le monde sur les nerfs de Lyon jusqu’à Genève.

Il faut saluer Frédéric SOMON qui vient de recevoir un Prix à Nîmes ce week end et je l’en félicite.
Pour ma part je suis passé d’emblée au deuxième roman, une « suite » qui s’avère magistrale.
Une connaissance bien sûr approfondie du milieu de la Police Judiciaire, de par le fait et une connaissance de l’être humain dans son milieu personnel ou professionnel qui fait de ce roman un véritable document doublé d’un récit passionnant qui parfois touche au mystique, ménage le lecteur à travers des moments de reflexions, d’accalmies pour mieux le plonger dans l’univers cruel de cette traque qui peut ruiner la vie de tous les protagonistes, laissant planer la figure dantesque du tueur, un peu comme un personnage de John CONNOLLY.

ILS SONT VENUS DU FROID

Un roman initiatique dans une nature hostile, où seuls l’art, l’amitié et l’amour peuvent empêcher l’humanité de sombrer…
Après la Catastrophe, les humains ont formé des clans pour tenter de survivre dans une nature hostile et glaciale. Malgré les difficultés de leur existence, Ilia, Neige et Aurore se lient d’amitié et se prennent à rêver d’un avenir meilleur.
Mais lorsqu’ils sont capturés et réduits en esclavage, leur quotidien devient terrifiant : ils s’épuisent au fond d’une mine de charbon pour alimenter les rêves fous d’un dictateur…
Alors que la nourriture vient à manquer et que les mauvais traitements les affaiblissent, les trois amis se demandent s’ils pourront échapper à leur inéluctable destin et sauver ceux qu’ils aiment..

A conseiller à partir de 12 ans

L’HONNEUR DE ZAKARYA

Zakarya Benothmane, vingt ans, est accusé du meurtre de Paco Moreno, son rival au club de boxe. Tout est contre lui. Mais Zakarya affirme qu’il n’y est pour rien. Au cours de son procès, les témoignages se succèdent à la barre : Djibril, l’entraîneur, ses amis, la belle Aïssatou, Yasmine, sa mère, qui a élevé seule ce fils adoré et indomptable qu’elle défend comme une lionne…
À la défense, Lucie Colancelle, jeune avocate brillante et passionnée qui gagne peu à peu la confiance de ce garçon mystérieux. Mais si Zakarya est innocent, pourquoi reste-t-il muré dans son silence ?

A conseiller à partir de 14 ans pour lectrice ou lecteur averti

LE REVE D’HABIB – Jean-Michel LEBOULANGER

Deauville, ses belles demeures, sa plage aux parasols multicolores, tel un fragment de paradis.
Et soudain, sur le sable blond d’un matin calme, un cadavre atrocement mutilé.
Règlement de compte, trafic humain ?
Fraîchement promue capitaine et mutée sur la côte normande, Hadija Mounier va devoir prendre en charge cette affaire sensible.
Secondée par un jeune OPJ au tempérament atypique, elle va être confrontée aux profiteurs sans scrupules mais également aux bonnes âmes locales. Une plongée éprouvante au sein de la noirceur humaine qui fera remonter à la surface des épisodes enfouis de son propre passé..

J’ai apprécié ce roman en deux blocs, la première moitié stupéfiante d’une vérité qui nous blesse par sa violence descriptive de ce monde de misère aux mains de mafias et d’organisations terroristes qui agissent sous le couvert d’une « organisation humanitaire » sans réels contrôles, comme sas bourré de trous laissant apparaître le crime par désespoir de plans économiques, de budgets et surtout de projets viables.
C’est une vision dans cette partie de l’ouvrage qui effraie, même si nous sommes des spectateurs lointains à travers les médias, cette première partie est un témoignage.
La deuxième partie, ou second bloc nous entraine dans le roman policier, avec malheureusement ses tics : prêter au personnage féminin des affres affectifs (ce qui ne m’a pas du tout interessé) à travers une relation tumultueuse avec un de ses collaborateurs.
Ce sont des disgressions qui ont fait baisser mon attention, et de ce qui présageait un livre engagé, un livre témoignage devient un scénario de téléfilm.
Jean-Michel j’ai vraiment été capté par la moitié de ton livre, ce qui justifie ta nomination au Prix Dora-Suarez 2022, mais je n’ai pas adhéré à la seconde partie. Peut-être parce que c’est le seul que j’ai lu de ta trilogie.

Mon illustration musicale réside dans le titre « raison de se battre ».

AFFAIRES INTERNES – Didier FOSSEY

Août 2015 – Autoroute A 10.
Deux hommes au volant de leur berline roulent à vive allure et provoquent un accident d’une violence inouïe : une femme est tuée sur le coup, sa fille de 5 ans est grièvement blessée.
Lorsqu’il apprend le drame, Yann Rocher – officier de police, et père de l’enfant – est en service ; il est dévasté.
Les conducteurs s’en sortent avec quelques blessures…
3 ans plus tard… Février 2018 – Lyon
Des braqueurs attaquent une bijouterie du centre-ville; la police judiciaire est saisie. Durant l’enquête, la capitaine Poirier remarque des similitudes avec d’autres braquages commis dernièrement en France.
L’organisation sans failles des malfaiteurs ressemble à celle des militaires ou… des policiers, ce qui attire l’attention de l’Inspection générale de la Police nationale.
De son côté, Yann Rocher, désormais chef de la BAC Nuit, à Colombes, a toujours la même idée en tête : venger sa fille, Mia.
Et pour cela, il est prêt à tous les compromis..

Un mot d’explication sur le choix de mon illustration musicale de cette chronique.
Ce titre me semble tenir en son sein tout l’amour et tous les regrets de Yann Rocher, comme une litanie obsédante, qui tourne, tourne et tourne encore…

La vengeance comme un rachat, une expiation sur un thème polar extrêmement classique, je pourrais même dire archi vu, les flics ripoux, les casses de plus en plus risqués, l’IGPN au bord de la crise de nerf, la tension en crescendo.
Tous les personnages ont leurs particularités même si on est globalement dans le brutal, seul Yann Rocher vient capter toute mon attention, je m’identifie à lui alors je souffre avec lui, tout cela par le talent d’écriture de Didier FOSSEY, fluide, par moments presque journalistique pour mieux laisser ces moments de fulgurance apparaîtrent et nous aveugler.

Merci à toi de m’avoir dédicacé ton ouvrage qui, vois-tu tient sa place dans la liste des nominés 2022 pour le Prix Dora-Suarez.

A SANG ET A MORT – Sandrine DUROCHAT

Une violente attaque de fourgon blindé qui tourne mal. Un convoyeur au tapis et neuf millions envolés… Entre Grenoble et Échirolles, deux clans se sont alliés pour tenter un gros coup. Mais rien ne s’est passé comme prévu… Au milieu de cette faune qui s’entretue pour l’argent et le pouvoir, Nina, Audrey, Karen et Samia vont tenter d’en réchapper… Et puis il y a Hirsch, dit Le Mur, commandant de police pourri jusqu’à la moelle, Precious, le caïd, Malik, le boss. Tous aussi malsains les uns que les autres… Et Gabriel, le flic en pleine dépression depuis la mort d’un jeune manifestant, qui, en quête de rédemption, semble vouloir remettre les choses à leur juste place…

Tétanisé !
Comment resté intact face à ce déferlement de violence ?

Suis-je dans un film qui a grands renforts de morts violentes comme on en trouve trop souvent, c’est mon point de vue, nous accroche les yeux fixés à l’écran, la sauvagerie qui crée le besoin d’encore plus, il y a de ça dans ce roman.
Mais ce ne pouvait pas se résumer à un artifice, connaissant Sandrine DUROCHAT elle ne pouvait pas nous trahir avec « à la manière de… ».
Alors je lui ai fais confiance pour nous raconter une réalité, bien sûre romancée (quoique) nous accroche à une sauvagerie inéluctable et bien réelle. Là ça fait peur et on peut croiser ce qui alimente les faits divers de nos quotidiens régionaux avec son récit parfois caricatural.

Ca pète, ça roule à mille à l’heure. Ce qui pouvait être réjouissant dans sa série de nouvelles devient un étranglement au bord de la perte de connaissance, je l’ai lu d’une traite mais je n’ai pas dormi d’une traite, hanté j’étais, et tout particulièrement par Précious, une victime-monstre à fleure de chair.

Comme j’écris cette chronique d’un seul jet sans aucune intention de correction (à part l’orthographe), je reviens sur le mot « caricatural », il n’est absolument pas péjoratif mais il m’est venu par le surnom du commandant « Le Mur », je ne sais pourquoi, c’était trop…
C’est une bombe dans la narration et j’attends de Sandrine son prochain roman…?

SARAH JANE – James SALLIS

Surnommée « Mignonne », ce qui ne lui va pas comme un gant, Sarah Jane Pullman a déjà trop vécu pour son jeune âge : famille dysfonctionnelle, fugue à l’adolescence, crimes, petits boulots dans des fast-food… on se demande comment elle parvient à redresser la barre. Elle y arrive et, à sa grande surprise, est engagée comme agent au poste de police de la petite ville de Farr. Lorsque le shérif titulaire disparaît, c’est elle qui prend sa place. Mais Sarah Jane ne se satisfait pas de la situation. Cet homme, Cal, était son mentor, son appui, et elle ne peut accepter qu’il se soit évanoui dans la nature. Elle va découvrir des choses qu’elle ne soupçonnait pas…

Comme l’avait titré un article de presse, ce roman est le puzzle d’une vie dévastée, mais pas seulement celle de Sarah Jane mais celles aussi des vétérans de guerre et des habitants de ces trous du sud de Etats Unis dont la vie est rythmée pour les premiers pas les suicides et pour les seconds par les malveillances de la vie, les accidents de voiture, les meurtres crapuleux, l’alcoolisme.
James SALLIS, outre être un digne représentant de la littérature noire américaine fut aussi traducteur de Blaise Cendrars ou encore Raymond Queneau et surtout le spécialiste du roman élliptique, comme son héroïne qui passera son temps à s’éclipser et à raser les murs passant de combattante dans les déserts orientaux à ajointe de police dans une petite ville d’où le shérif disparaît sans laisser de trace.
Sallis nous dit : « Toutes les histoires sont des histoires de fantômes, qui parlent de choses perdues, bataillant pour être vues, pour être acceptées par les vivants »

A nous de combler les trous dans l’énigme de cette vie.

# JE SUIS LILLY – Vincent VILLA

Lilly est morte, massacrée à la hache par son ex-compagnon, depuis disparu. Pour beaucoup, un malheureux fait divers. Pour Nina, sa petite sœur, le pire des crimes. La jeune boxeuse ne rêve que de vengeance…
Alors que Lilly devient le symbole de la lutte contre les féminicides à travers le hashtag #JesuisLilly, l’affaire prend une tournure plus dramatique encore : quelques heures après une manifestation, une militante est brûlée vive…
Sur un sujet tragiquement d’actualité, un thriller fort, pertinent et palpitant.

Ce roman est un engagement contre les violences faites aux femmes et on ne peut qu’en remercier Vincent VILLA, et c’est aussi un excellent polar, actuel et urbain, violent et parfois cruel.
Une histoire de vengeance et de traque, Nina poursuit l’assassin de sa soeur, Paolo le flic poursuit un ou plusieurs assassins de femmes qui agissent selon un rite médiéval religieux, tout en essayant de ne pas perdre la trace de Nina.

Des rencontres parfois très belles avec de beaux portraits de femmes engagées dans une lutte qui peut leur faire perdre la vie, des rencontres moins belles et plus sulfureuses en la personne d’un vengeur masqué éliminant les hommes violents, et des rencontres immondes avec ce club de la suprématie mâle et leurs actes violents oscillant entre le KKK et l’Inquisition religieuse dont le leader, un dégénéré se verrait bien finir son oeuvre en se transformant en mass-murderer.
Vous l’aurez compris, ça bouscule mais ça éblouit aussi sur un sujet trop souvent traité par des
femmes comme si la souffrance endurée en tant que telle ne pouvait s’exprimer que par leurs bouches. Vincent VILLA nous prouve avec ce roman que les hommes peuvent avoir leur mot à dire et peuvent s’ériger en témoin, en défenseur, en juge.

NAIJA – Thierry BERLANDA





Un industriel de l’agroalimentaire a été retrouvé affreusement blessé dans une bétaillère bondée de génisses. Que cache ce crime d’une cruauté inédite ? Qui l’a commandité et pourquoi ? Jacques Salmon et Justine Barcella, qui forment l’unité spéciale Titan, sont mobilisés. Leur enquête les met sur la piste de trois tueuses, de Paris jusqu’au Nigeria, à Lagos, cité tentaculaire surpeuplée où règne la loi du plus fort.
Que dissimulent les tours de verre High Tech du géant Histal, mystérieux groupe scientifique et industriel international ? Quelles sont ces « Tenues jaunes » au physique parfait qui accueillent les visiteurs ? Trafic d’organes, manipulations génétiques, hybridations monstrueuses, nanotechnologies ultraperformantes… les deux agents vont de surprise en découverte. Confrontés à ce « nouveau monde », à la fois repoussant et plein d’attraits, quel sera leur choix ? Le combattront-ils à tout prix ou se laisseront-ils séduire ?
Thriller saisissant, Naija éclaire sans concession, par une plongée dans un monde où la morale s’inverse, l’enjeu crucial de notre époque : la valeur et le sens même de la vie

Naija c’est un peu comme Mission Impossible qui aurait rencontré les Avengers sans l’humour.
Les liquidateurs Jacques Salmon et Justine Barcella prennent directement leurs ordres à l’Elysée.
Aucuns moyens, tout pouvoir.
Salmon est un ancien des Services Spéciaux recruté pour créer l’unité Titan. Une unité qui se compose de deux personnes : Lui et sa coéquipière, la précédente ayant eu la fâcheuse idée de se faire tuer il doit « former » Justine. Quelque peu misogyne, misanthrope, il est un exécuteur froid – « quand tu es payé pour fumer des mecs, la compassion est une maladie mortelle »– convaincu d’être le meilleur dans sa catégorie il ne prête aucune attention à ce qui pourrait être une vie privé, sapé comme un clochard il vit dans un cagibi au milieu de ses détritus, râleur, vicieux, il aime qu’on le déteste.
Si ce personnage devait apparaître au cinéma c’est assurément Jean Réno qui tiendrait ce rôle.

Le roman est construit en deux parties, la première permet au lecteur de se familiariser avec TITAN et de suivre la relation qui se construit entre le maître et l’élève, les méthodes d’investigations le plus souvent musclées, les dommages collatéraux et les tenants de cette enquête.
La seconde partie nous emmène au Nigéria, pays ravagé par la corruption et le crime, vendu aux multinationales qui peuvent s’enrichir sans que quiconque y regarde de trop près et dont la sécurité est assurée par une armée privée recrutée sur place.
Ainsi en est-il du groupe pharmaceutique HISTAL dont le vice- président Seymour Silverstone a mis en place une organisation criminelle que Salmon et Barcella doivent démanteler.
La cible est Silverstone qui doit être éliminé.

Thierry BERLANDA n’en est pas à son coup d’essai et nous promets encore de longues heures de lecture puisque NAIJA est le premier volume d’une trilogie qui comprendra : JURONG-ISLAND et CERRO RICO.
C’est très bien fait, haletant, violent, épique et malgré quelques invraisemblances fort utiles à la qualité du récit, on est scotché.
Quand tu parles, je t’entends. Quand tu ne parles pas, je t’entends quand même.
Mais sans doute les personnages ne sont-ils pas toujours tels que nous croyons les voir.

30 SECONDES – Xavier MASSE

30 secondes par Massé

30 secondes…
Les 30 dernières secondes les plus importantes de sa vie.
Les 30 dernières secondes de leur vie.
Les 30 dernières secondes dont il arrive à se souvenir.
30 secondes… c’est le laps de temps qu’il leur a fallu pour avoir cet accident.
30 secondes, c’est le temps dont dispose Billy pour retrouver la femme de sa vie… disparue…

Xavier Massé sème les fausses pistes comme le Petit Poucet ses cailloux pour ne pas se perdre, pour le premier c’est très clairement pour nous perdre et nous entraîner dans la complexité de son récit.
Billy est un jeune joueur très prometteur de football américain à Charlotte – USA, mais Billy est aussi un inconscient qui use et abuse d’alcool et de substances illicites, en compagnie de ses congénères il se comporte comme un enfant gâté à qui on ne peut rien refuser, une star du sport à l’américaine, avec magouilles, grosses sommes d’argent et matchs truqués.
En même temps Billy tue un vagabond sur une route de campagne et devient complice du meurtre d’un policier, il sera victime de deux accidents : l’un sur le terrain avec un clash ultra-violent sur un autre joueur qui le laissera inconscient, l’autre en voiture avec sa compagne au volant qui disparaîtra après l’impact, évaporée, envolée…

Vous suivez toujours ?

Nous voilà donc au chevet de Billy sur son lit d’hôpital entreprenant des séances d’hypnose pour tenter de faire remonter ses souvenirs à la surface, aidé en cela par un neurologue bienveillant sous la surveillance d’un policier taiseux.
La vraisemblance se doit de plier devant le récit.
Alors les séances deviennent un jeu de cache-cache dans un décor imaginaire en trois dimensions et surtout une sorte de salle de cinéma refuge pour Billy dans son inconscient où il peut visionner ses souvenirs.

Ca va toujours ?

C’est sans doute parce que Xavier Massé est à l’écriture ce que Billy est au football, un fougueux qui coure vite avec le talent qu’il faut pour se faire remarquer qu’il parvient à entrainer ses lecteurs dans son imagination débridée, et nous on suit derrière ce joueur de flûte (encore une métaphore pour finir) tel ce troupeau de rat quittant Hamelin.

LE SECRET DES MAGES DU TRIDENT ROUGE – Maurice DACCORD



Qui sont les Mages du Trident Rouge ?

Une secte, une association de disciples un peu fêlés, dont la particularité est de terminer leurs réunions en chantant et dansant sur l’air de La Belle Hélène d’Offenbach… Tous adorateurs de Satan !

Comme ce tueur en série qui signe ses crimes d’une citation latine : Demon est deus inversus, le diable est dieu sens dessus dessous.

Crimes particulièrement odieux et tellement sordides que la presse le surnomme l’Equarrisseur.

Dans une nouvelle enquête, le Commandant Léon Crevette, aidé de son ami Eddy Baccardi, explore l’univers de Mages du Trident Rouge et va traquer l’Equarrisseur.

C’est cruel et drôle à la fois, les personnages sont truculents, c’est bourré de références au cinéma de genre des années 40 ou 50, ou encore aux prémices des séries télé policières qu’on appelait encore feuilletons comme les feuilletons qui paraissaient dans la presse quotidienne, héritage d’un passé littéraire du siècle d’avant et du début de ce XXe.
Mais l’auteur est un contemporain, il n’a pas à composer avec la morale d’outre siècle, de nos jours aucune crainte de finir au piloris si on se hasarde à faire mourir six fillettes de la manière la plus horrible qui soit, le tout baigné dans une ambiance qui bien sûr est tendue mais navigue au sein de copinages francs et émouvants, de décors surranés comme les intérieurs familiaux, les troquets et les convenances qui font que nos personnages sont bien ancrés dans leur monde et leur époque.
Alors ! Pensez ! si le surnaturel vient s’inviter dans la tête de veau ou le boeuf carottes, en plus avec des manières aussi sordides, autant se lancer alors à l’assaut des ventres de Paris pour aller chercher la bête.
C’est un roman parfaitement jouissif, à consommer sans aucune modération.


VA MANGER TES MORTS – Pascal MARTIN

Va manger tes morts par Martin


Elle s’appelle Romane, elle est Gitane. Dans cette brasserie parisienne, elle vient de flinguer un sale type d’une balle en pleine tête. Lui, c’est Rio, il venait juste de prendre sa défense face aux gifles de ce mec. C’est là qu’elle l’a pris en otage, enfin presque… Et que tout a commencé ! Il est enquêteur pour les assurances. Elle, elle se débrouille comme elle peut… Et plutôt bien. Mais quand le temps vire à l’orage, ils décident ensemble de décamper au plus vite… Elle est jeune, belle, insouciante. Elle a la rage de vivre, là, tout de suite… Lui, pour la première fois de sa vie, il n’a plus qu’une envie, exister et la suivre…

Le polar que je mourrais d’envie de lire depuis très longtemps, comme le dit le bandeau de couverture c’est une immense bouffée d’oxygène, simplement parce que c’est un polar qui est écrit avec le coeur et c’est à ça qu’il se remarque et s’apprécie.
Une folle histoire d’amour à travers la violence, le sang et la souffrance mais toujours le sourire lumineux de Romane en avant, son discours tout d’abord incompréhensible qui devient au fil des pages un compagnon dont on ne discerne pas obligatoirement toutes les subtilités mais prend une résonnance musicale indispensable à ce récit.
C’est parfois cruel et parfois drôle.
VA CRIAVE TES MOULOS !

Et oui, on ne peut rien contre le coeur qui bat pour continuer à exister et sans doute se construire une vie différente…avec un tikno par exemple.

Pascal Martin est né en 1952 dans la banlieue sud de Paris. Après une formation en œnologie, il devient journaliste, fonde sa boîte de production et parcourt le monde comme grand reporter. Ses reportages, très remarqués, sont alors diffusés sur toutes les chaînes de TV.n 1984, il réalise un court métrage de fiction, « L’intruse » diffusé par Antenne 2 qui, dès 1986, lui demande l’exclusivité de ses enquêtes pour ses magazines d’actualité : « Le Magazine », « Edition spéciale », « Place publique ». En 1989, il se spécialise dans l’investigation pour une collaboration exclusive de dix ans avec « Envoyé Spécial ». Ses reportages font référence et lui valent de nombreuses récompenses comme le Grand prix des télévisions francophones pour son film sur la révolution roumaine et, en 1992, et le Sept d’or du meilleur reportage pour son enquête sur le Front National : « Front National, la nébuleuse ».En 1995 il crée les « Pisteurs », des personnages de fiction qui reposent sur son expérience de journaliste d’investigation, pour une série de films diffusés sur France 2. Après avoir enseigné quelques années au Centre de formation des journalistes, il développe avec Jacques Cotta une série de documentaires « Dans le secret de… » qui compte aujourd’hui plus de 40 numéros. Il réalise à cette occasion Dans le secret de la prison de Fleury-Mérogis et Dans le secret de la spéculation financière. C’est sur la base de ces deux enquêtes qu’il crée le personnage de Victor Cobus, jeune trader cousu d’or qui se retrouve du jour au lendemain dans l’enfer d’une prison. Pascal Martin s’est toujours inspiré de ses enquêtes journalistiques pour nourrir ses personnages de fiction en les inscrivant dans une dimension sociale et environnementale.(Sources : JigalPresses de la Cité)
Pascal MARTIN - (Credit photo - © Pascal Martin © Stephane Olivier) RIP Monsieur

LA FILLE QUI VOYAIT LE MAL – Ludovic BOUQUIN

La fille qui voyait le mal par Bouquin

Sa capacité à distinguer, malgré elle, la nature profonde des gens qui l’entourent fait d’elle l’arme secrète des différents souverains pontifes depuis 20 ans. Alors que sa sécurité est menacée, une vague de crimes aussi violents qu’inexplicables frappe les grandes villes françaises.
Un tandem composé d’un commandant de la police judiciaire et d’un psychiatre mène l’enquête. De leur rencontre avec la fille qui voyait le mal va naître un improbable trio qui, enrichi de leurs différences et de leur complémentarité, va être mis à rude épreuve pour rester en vie et déjouer le complot fomenté par un ennemi puissant.
Un récit ou l’occultisme s’associe au Vatican pour déjouer le mal et qui va cette fois-ci se mettre au service de la police pour stopper le mal qui se répand partout sur le territoire. Un thriller trépident, un page turner qui ne pourra qu’entraîner le lecteur dans une course contre la montre.

Manifestement Ludovic BOUQUIN aime raconter des histoires, il aime les inventer pour ensuite les « passer » comme dans la tradition orale avec cet aspect jubilatoire de tenir son lecteur en haleine, il a gardé au fond de lui l’enfant qu’il était qui peut encore croire à ces aventures extravagantes au fil conducteur qu’est l’Afrique et sa magie.
Sous couvert d’une appellation douteuse de « thriller ésotérique » nous avons en fait un formidable roman d’aventure – et oui, ce n’est pas un gros mot – comme les aventures de Bob Morane ou de Doc Savage tout comme ses précédents romans. Je pense à « Rémission Spontanée » où la magie africaine pouvait renfermer une révolution scientifique, ici les sortilèges vaudous peuvent sauver le monde d’une apocalypse planifiée par des cerveaux dérangés et cupides. Tout comme Bob Morane affrontait l’Ombre Jaune maître du Mal projetant de régner sur le monde les héros de Ludovic BOUQUIN surfent sur des événements endiablés les entrainant aux quatre coins du monde.
Sauf pour l’ouvrage « Sauce de Pire » où on est plongé dans la marmite d’un polar-culinaire des plus excitant.

Tout ça pour dire qu’il faut avoir garder son âme d’enfant pour pouvoir se plonger dans ce grand bain d’aventure.

POUR SEUL PARDON-Thierry BRUN

Pour seul pardon par Brun

Thomas Asano a trouvé refuge dans une petite ville nichée au pied des Vosges. Ici, la vie y est âpre. Homme à tout faire, il a la réputation d’être travailleur et bon chasseur. Il est surtout décidé à se faire oublier : il a connu Sarajevo et la prison. En liberté conditionnelle, c’est un homme brisé par la culpabilité qui tente de se reconstruire. Son seul souhait, ne plus laisser la violence le submerger. Une vie simple au plus près des forêts, en harmonie avec la nature, traquer le sanglier, faire l’amour à Élise, la fille du patron. Mais, chaque jour il envoie des messages à la femme qui l’a quitté. Celle qui le visite dans ses rêves, celle à qui il parle encore quand les nuits sont trop longues. Pourtant quand le père d’Élise se retrouve en possession d’une livraison de cocaïne qui ne lui est pas destinée, le passé d’Asano le rattrape. Cet homme simple et discret n’a désormais plus le choix. Il redevient ce qu’il n’a cessé d’être : un homme de guerre. C’est le prix à payer pour protéger Élise

Un roman noir ancré dans une ruralité brutale, un coin perdu dans les Vosges quoi de mieux pour vivre une conditionnelle en se faisant oublier. Mais c’est sans compter sur l’appat du gain des petits notables de la ville, entrepreneurs croulant sous les dettes, bouffés de tous côtés par l’inexorable avancé du gros entreprenariat, par l’urbanisme ravageur qui se profile entrainant avec lui la délinquance la plus violente et ce n’est pas ce qu’il fallait à Thomas Asano ployant sous la charge de son passé de guerrier, animé toujours par son instinct de chasseur.

Je me suis retrouvé dans le monde cinématographique de Robert ENRICO, tout particulièrement le film « Les Grandes Gueules », ce que les critiques de l’époque qualifiait de « film d’hommes » avec les quelques poncifs du genre comme le code d’honneur et sa trahison, la parole donnée, la rugosité de ces hommes car n’en déplaise aux gauchos-féminos-genrés ou pas, ce cinéma était un style à part entière, on allait voir un film de Robert Enrico pour assister au combat de personnages masculins dans la sueur et le sang au sein d’une société en pleine transformation.

Polar noir et social le livre de Thierry BRUN est un hommage à ce style qui a fait les beaux jours du cinéma et qui continuera à faire les beaux jours de la littérature avec des auteurs aussi talentueux.

LA MEDEE – Benoît CHAVANEAU

La Médée par Chavaneau

… Madame Lucienne remplit son cahier et la Médée s’ébranla.
La péniche franchirait plusieurs centaines d’écluses entre les Flandres et le Canal du Midi et, à chaque fois, de façon rituelle, l’homme cacherait l’enfant. Du moins sur le trajet aller.
Car, au retour, l’enfant ne serait plus là …
Nous sommes dans les années 60.

De nombreuses disparitions d’enfants non élucidées ont lieu dans les Flandres mais aussi en Belgique et au Pays-Bas.
Deux corps sont découverts dans des sacs jetés dans un canal.
Maurice Morge, inspecteur austère et solitaire de la P.J. de Lille, débarque alors dans le petit village de Wailly afin d’y mener des investigations après une enquête malheureusement bâclée par les gendarmes.
Aidé par George Bellamy, un journaliste dandy et fantasque, va-t-il pouvoir retrou­ver l’assassin ?

Une enquête riche en rebondissements commence.
Nous baignons, ici, dans le monde des mariniers, sur les canaux du Nord, de l’Est de la France, de la Belgique et puis il y a Vermeer et la Médée !
Benoît Chavaneau est né à Roubaix en 1958 et d’emblée il s’imprègne de cette terre noire des
Flandres, de ses carillons et de ses canaux brumeux. Très tôt, il conçoit l’écriture comme un ouvrage de den­telle entre silences et mots.
C’est en écoutant « La Chanson de l’éclusier» de Brel, chez une amie, que naît l’idée de « La Médée », une histoire de marinier, d’enfants perdus et de canaux brumeux.

« Dans ce roman, j’étais obsédé par le rythme, par le style, par cette ambiance flamande, mouillée de brume et de pluie froide. Un bon roman, c’est moins une histoire que la manière de la raconter, enfin je crois. »
La Médée est finaliste du Prix du Sablier d’Or du meilleur manuscrit.

Complexe de Médée: (Psychanalyse) Complexe se manifestant chez les femmes/les hommes qui cherchent à punir leur mari/épouse en s’en prenant à leurs enfants
L’appelation trouve ses origines dans le nom du personnage mythologique de Médée, qui selon une version répandue du mythe aurait tué ses enfants par vengeance envers son mari, Jason, qui l’a répudiée en faveur d’une autre femme.

Le sacrifice des enfants est au centre de ce roman, non seulement La Médée charrie son lot de cadavres à travers les canaux mais l’inspecteur Morge, austère personnage sacrifie lui aussi sa vie de famille et son rôle de père pour cette enquête.
La question se pause : la péniche se nourrit-elle des enfants, Vermeer le batelier est-il un ogre dévoreur d’enfants ?
Bien sûr l’atmosphère ambiante nous emmène directement du côté de Simenon, le cadre géographique, la grisaille, les personnages taiseux ou encore extravagant comme le journaliste Bellamy. Mais bien au- delà du roman policier, j’ai lu un roman frôlant le fantastique et flirtant avec Jean RAY, apologie du sacrifice et de l’inexorable conduisant à une rencontre « amoureuse » habitée de non-dits et d’acceptation d’une règle érigée comme un aveu de monstruosité, un lien indéfectible.

Superbe roman noir, magnifiquement écrit par un auteur qui sait plus que quiconque marier les mots et leur donner cette musicalité que l’on retrouve dans d’autres de ses romans.

Cet ouvrage est sélectionné pour le Prix Dora-Suarez 2022.

TRANSACTION – Christian GUILLERME

Transaction par Guillerme

Un site de petites annonces en ligne comme il en existe des dizaines.
L’arnaque de trois amis, noyée parmi des milliers de bonnes affaires.
Un individu dangereux qui sommeille au milieu des acheteurs potentiels.
Quelle était la probabilité qu’ils se croisent ?
Transaction… l’engrenage fatal est enclenché 

On commence le roman par la fin et c’est une stratégie de construction à haut risque, avec un prologue lourd de menaces, nous voilà plongé dans une poursuite anxiogène où la vie perd son sens.
En effet, qu’est-ce qu’une petite arnaque dans le système d’achats et ventes en ligne avec même pas une grosse somme à la clef, refiler du matériel défectueux, une caméra, à un pigeon comme soi-même déjà pigeonner en amont.
Sauf que c’est sans compter sur le fait que le monde n’est pas peuplé que de gogos. Il peut aussi cacher en son sein des individus en rage permanente tels des bêtes sauvages.
Et c’est à l’un d’eux que les trois petits arnaqueurs devront faire face, ou plutôt devant qui ils devront fuir car il est certain que la dette se paiera dans le sang et un maximum de souffrances.

Les chapitres sont très courts, ce qui contribue à accentuer le rythme des événements sans pour autant omettre de s’attarder sur la psychologie de chacun des personnages, leur intimité y compris « l’acheteur » terrifiant à souhait englué dans une solitude impénétrable et un narcissisme surdimensionné.
Autant dire que c’est un livre qu’on lit d’une traite et qui est sacrément bien ficelé.

UN AUTEL RUE DE LA PAIX – Florence RHODES

Un autel rue de la Paix par Rhodes

Pas de congé paternité pour le commandant Hamelin: Au cours d´un été caniculaire, il se lance aux trousses d´un tueur en série qui sévit aux adresses du plateau du jeu de Monopoly. Rue de Vaugirard, boulevard de la Villette, avenue Mozart, le compteur tourne, les cadavres s´empilent, et Abel Hamelin a la sensation oppressante que ce meurtrier, qui conserve toujours quelques cases d´avance, connaît tout de son passé, de ses fêlures et du secret familial qui le ronge. Dès lors, identifier l´assassin avant la rue de la Paix, en évitant lui-même la case prison, devient l´enjeu d´une partie où Hamelin a plus encore à perdre que la liberté, la vie ou la raison.

Nous avions remarqué avec beaucoup d’attention le premier roman de Florence RHODES : La Confrérie des Louves Prix DORA-SUAREZ du Premier roman, c’est donc avec beaucoup d’impatience que j’attendais de lire son nouvel opus et je n’ai pas été déçu.
Hamelin revient avec son équipe pour notre plus grand plaisir, Hamelin avec son intransigeance syntaxique qui le caractérise, ses zones d’ombre et là, peut-être plus encore que dans le précédent roman, ses failles, ses blessures jamais cicatrisées. Sans doute celles-ci apparaissent plus flagrantes car il doit affronter un assassin qui connaît tout de lui, capable d’endosser plusieurs personnalités et dont le seul but est d’atteindre Hamelin au plus profond de sa chair.
Nous assistons à une partie de Monopoly « in vivo » dont chaque étape est une mort assurée, sans pour autant savoir comment l’assassin déplace « son pion ».

Connaissant les références de Florence RHODES parmi les classiques du roman policier je n’ai pu m’empêcher d’épingler ABC MURDER d’Agatha CHRISTIE, roman dans lequel Hercule Poirot affronte un assassin dont le jeu macabre consiste à tuer par ordre alphabétique, laissant derrière lui un indicateur de chemin de fer ouvert à la page de la ville où sera commis son prochain meurtre.

Le récit est parfaitement orchestré, l’intrigue et son dénouement sont surprenants à souhaits, ce qui comble nos espérances. La toute dernière partie très justement intitulé coup de sang achève de nous mettre KO.

UNE HEROÏNE STUPEFIANTE – Didier ESPOSITO

« Il y a des jours comme cela, où dès les premiers instants, les éléments vous font comprendre que la journée sera différente. Des petits riens dès le matin. » C’est ce que se dit David Cartier en prenant son poste, aux « stups » de Saint-Étienne. Et en effet, une sale affaire attend son équipe ce jour-là : de l’héroïne en ville, ce n’est pas nouveau. Mais une héroïne qui sème la mort, plus que d’habitude pour ainsi dire, c’est nouveau. Il va falloir aller vite, très vite pour stopper l’hémorragie. D’autant plus que les dealers eux-mêmes semblent ne pas maîtriser la situation ni comprendre ce qui se passe.

Il n’y a jamais de différence fondamentale entre l’histoire ancienne et l’actualité. Il n’y a que des variations sur un même thème. Hubert SELBY Jr

« Son périmètre de vie s’étirait finalement de la place Jean Moulin à la place de l’Hôtel de ville, de la rue Salengro au Crêt de Roc. Quelques centaines de mètres carrés dont la couleur des trottoirs n avait plus de secret pour elle. Depuis deux ans déjà ses yeux balayaient le sol plutôt que l’horizon. Préférant les égouts aux gargouilles des cimes, les bas-fonds aux sommets, les secrets que dévoilaient les façades des vieux immeubles du centre-ville lui étaient inconnus. Toute sa vie depuis deux ans. » Didier ESPOSITO

Un étrange roman à deux faces.
L’enquête de la Brigade des stups avec son lot de paperasseries, autorisations diverses et variées du Parquet, planques interminables, auditions souvent stériles un oeil sur la montre et l’autre cherchant à capter le regard toujours fuyant du gardé à vue, les convocations chez le juge d’instruction, l’attente de l’avocat commis d’office pour entamer l’interrogatoire, la gestion de la stagiaire gardien de la paix qui disparaît à tous moments sans crier gare.

La vie au quotidien de bandes de junkies et SDF, démolis à l’alcool et à l’héroïne, sans autres espérances le matin que de rester en vie un jour de plus et trouver les doses nécessaires pour y arriver quoi qu’il en coûte, dénoncer les compagnons de galère, voler, mentir, se battre, s’avachir pour ne se relever que pour mendier ou aller se « faire une trace » sous une porte cochère à l’abri des regards, surtout ceux des autres junkies qui pourraient tout aussi bien te détrousser avec violence de ton précieux sésame pour quelques instants de répits artificiels, tel une meute se convoitant une charogne.
Au milieu de ce petit monde naviguent les dealers, particulièrement un : Mourad dont toutes les combines reposent sur sa relation internet avec la mystérieuse JustMoney42, adresse ultra sécurisée qui lui prodigue les conseils utiles pour échapper à la Police.
Et tout autour, comme une danse macabre, les victimes d’une drogue ultrapure tombent comme des mouches.
C’est donc cette deuxième face qui m’a expédié dans un voyage dans le temps à la recherche de la « Last Exit to Brooklyn » de Hubert SELBY Jr.

À sa sortie, Allen Ginsberg prédit que l’ouvrage allait « exploser sur l’Amérique comme une bombe infernale qu’on lirait encore cent ans après. »

Le livre remporte un succès immédiat puisqu’il se vend à près de deux millions d’exemplaires, mais il vaut à son auteur un procès pour obscénité.

Il comporte six parties distinctes témoignant du désœuvrement dans l’arrondissement de Brooklyn à New York , alcool, sexe et violence sont omniprésents. On suit tour à tour un groupe de gros durs qui aiment frapper les marins et les homosexuels, un travesti amoureux et ses amis, la vie d’une prostituée aux seins hors du commun, etc.

L’auteur le résume ainsi : « Quand j’ai publié Last Exit to Brooklyn, on m’a demandé de le décrire. Je n’avais pas réfléchi à la question et les mots qui me sont venus sont : « les horreurs d’une vie sans amour ». »
Paru en 1964 ce roman sera adapté au cinéma en 1989 par Uli EDEL avec Jennifer Jason LEIGH et une apparition de Hubert SELBY lui même.

Si ce livre fut un choc, un séisme d’écriture pour moi et je pense des milliers d’autres lecteurs, Une Héroïne stupéfiante est ce qui s’en rapproche le plus hors le langage obscène et le cutting de l’écriture propre à cette génération des années 60 qui mettait l’expérimentation avant tout.


L’OMBRE DE LA NUIT – Marco PIANELLI

L’ombre de la nuit par Pianelli

Il fait nuit. Paco Sabian marche sur une route d’Ardèche. Il pleut, le froid s’immisce et glace ses os, la lune n’est pas prête à céder sa place. Une voiture s’arrête à cette heure incongrue. Une femme seule au volant. Une mère qui retrace le chemin sur lequel son fils a disparu il y a tout juste cinq ans. Depuis, plus rien. Paco, est un ténébreux, un taiseux qui traîne la fatalité, comme d’autres leur ombre. Qui est-il ? Pourquoi est-il là ? Dans son costume de vagabond, il semble poursuivre un but connu de lui seul. Et quand sur son parcours, il croise le Mal, il ne se détourne pas, il ne ferme pas les yeux. Il fait face et l’affronte. Finalement peu importe son nom et pourquoi il passait par là. Paco prend la forme du destin, le dernier recours de ceux qui, sans lui, n’avaient aucune chance d’obtenir justice.

Ceci n’est pas un polar.
Ceci n’est pas un western.

Et pourtant tous les codes des genres précités sont bien au RV : le héros solitaire marchant dans la nuit vers une destination inconnue, la rencontre avec une jolie femme à la recherche de son fils disparu, la confrontation musclé avec des malfrats du coin, le bled paumé et se dessine à grand renfort de castagne le personnage de Paco Sabian, venu de nulle part, expert en combat rapproché, dur à la douleur, un sens de l’observation des hommes et de leur environnement qui lui donne presque à chaque fois un coup anticipé contre un gang sur-armé de mercenaires.
Il est tout sauf un loser, mais il est qui ? A part un justicier qui passait par là sur une route fouettée
par les vents et la pluie.

Paco Sabian c’est Clint Eastwood croisé avec Jean-Claude Van Dame.
Mathis est le shérif et les méchants sont la Horde sauvage.

Beaucoup de second degré dans ce roman, de clins d’oeil, des allusions non dissimulées à certains films, comme celle de l’homme à l’harmonica.
Une violence en tension comme si elle était filmé par un John Woo ou Sergio Leone.
Un livre à dévorer d’une traite, sans entr’acte ni pause esquimaux, plutôt les bières dans la glacière posée à côté de soi.


Des profondeurs, je crie vers toi – Sébastien JULLIAN

Des profondeurs je crie vers toi par Jullian

Andy, un jeune garçon de dix ans, tente de tracer son chemin aux côtés de sa mère Sarah, et Mouchy, voisine complice qui veille sagement sur eux. Un beau tableau de famille, s’il n’y avait la présence de Fred, un beau-père alcoolique, drogué et narcissique, qui leur fait vivre un enfer. Un matin d’hiver, un drame se produit et Andy plonge dans un coma indécis.
C’est là que tout débute…
Y a-t-il un lien avec les affaires de Patrice et Esther, deux enfants qui ont vécu des expériences similaires il y a presque cinquante ans ? Qui est ce mystérieux voisin qui emménage dans une propriété énigmatique peu après cet accident ?

Si Dieu peut entendre nos prières, le Diable peut-il y répondre ?

Beaucoup de violence dans ce roman. D’abord la violence d’un homme vis à vis de sa famille, la brutalité d’un père, d’un mari, l’alcool, les coups, les viols, les insultes, bienvenu en enfer, l’enfer conjugal d’une petite vie étriquée faite de répétitions quotidiennes, comme un mécanisme pesant qu’on arrive pas à enrayer…mais d’un coup la machine se casse : tentative de meurtre, violence exacerbée, disparition…
C’est le moment que choisit l’auteur pour distiller lentement sa touche de fantastique, en faisant appel au passé et en croisant celui-ci avec le présent, un voisin qui emménage et toujours les aboiements des chiens, les apparitions de Gruber, de Mouchy avec son fusil, Patrice toujours là où on ne l’attend pas ou plutôt au moment où…sur le pas de sa porte ne cessant de donner du « voisin » tel un leitmotiv à Fred.
Cette incursion dans des faits inexpliqués est comme un poison qui ne fait qu’accentuer la démence haineuse de Fred, comme dans « Le Locataire » de Polanski ou « Le Tour d’Ecrou » de Henry James : fantômes, hallucinations, délire…

Cet ouvrage est sélectionné pour le Prix DORA-SUAREZ 2022

LES JUMEAUX DE L’ENFER – Antoine LEGER

Les jumeaux de l'enfer par Léger

Résumé : Un soir de réveillon, des destins vont se croiser. Des hommes, des femmes aux yeux pétillants prêts à basculer vers la nouvelle année avec des résolutions pleins la tête. Théo, Nicolas, Rachel, Lucas, Aurélie, Michel, Cathy, Sara : tous déterminés à réussir leur objectif. Au milieu de la nuit, une évasion dans la prison de Muret. L’évènement bouscule la fête, change les plans. Les fauves sont lâchés. Alerte maximale. Les évadés ont un pacte secret. Le commissaire Cédric Clark et son équipe s’emparent de l’enquête. Il faut faire vite. Le compte à rebours est lancé. Les empêcher de s’infiltrer dans les soirées. Où se cachent-ils ? Qui vont-ils rejoindre ? Comment arrêter cette escalade mortelle ? Qui résistera ? Qui les stoppera ? Entre bulles de champagne, jeux morbides et notes de musique, les souvenirs du pire commando de l’Histoire vont resurgir. Sortirez-vous vivants… des griffes des jumeaux de l’enfer ? Une seule chose est certaine. Au final, ce livre explosera… entre vos mains !

Un roman qui file à 2000 à l’heure, chaque chapitre ne fait jamais plus de 4 pages recto-verso, l’auteur va à l’essentiel, une écriture directe, un roman en trois parties pour 156 pages.
Ce roman est une machine à démolir, pas d’humour (parfois du grotesque tragique), pas de répit, la violence à l’état brut ne s’apaise que pour laisser apparaître la folie. De nombreuses références et métaphores dont celle des deux chambres où sont enfermés les protagoniste selon leur sexe comme dans les wagons de déportation nazis, référence aux huit clos cinématographiques, je pense bien sûr à CROSS de Philippe SETBON.
Et surtout ce personnage qui s’invite en plein milieu du récit : l’Histoire ! Car pourquoi Montauban
? Parce que cette ville de funeste mémoire a reçu en son sein la plus cruelle et la plus dévastatrice division militaire nazi : la division « DAS REICH ».
Le récit s’éclaire ou s’obscurcit, c’est selon, mais on apprend enfin que le hasard n’y est pour rien, que les victimes sont de parfaits innocents (quoique) qui sont là au plus mauvais moment de leur existence : le passage à l’année suivante, la St Sylvestre, le réveillon du jour de l’an, la « bascule »
comme on dit.
Et tout va basculer, la violence, la haine et la folie sont les invitées inattendues. La surprise du nouvel an, le feu d’artifice n’en sera que plus majestueux.
Lecture d’une traite, KO assis.

LE CREPUSCULE DES ELEPHANTS – Guillaume RAMEZI

Le crépuscule des éléphants par Ramezi

Au Gabon, le danger est omniprésent. Des meurtres atroces ont été commis… Andreas ne se fie pas aux autorités locales corrompues jusqu’à la moelle.

Lorsque Camille, lieutenant de police à Paris, reçoit son appel de détresse, elle n’hésite pas à se mettre en danger pour le rejoindre. La jeune femme va se retrouver au coeur d’un trafic d’ivoire international qui ne laisse aucune chance aux éléphants et leurs défenseurs.

A qui profite réellement ce commerce ? Qui en tire les ficelles ? A qui peut-on réellement se fier ?

Guillaume Ramezi met en lumière un commerce illégal et pourtant toujours d’actualité dans un polar à la fois angoissant et touchant.

Si nous faisions un jeu de rôle ?
Qui de nous n’a jamais imaginé gagner un maximum d’argent en trahissant sa fonction au sein de la société ?
Qui de nous n’a jamais imaginé découvrir un jour que grâce à cette fonction tout pouvait être « oublié » ?
Qui de nous pourrait-être un vrai salaud mais un « tout petit salaud » dans ce monde qui l’entoure ?

Participer en temps que membre actif, cadre, au sein d’une ONG, c’est baigner dans un flou administratif à la fois insurmontable et particulièrement protecteur pour quelqu’un qui souhaite en faire un business en marge, la communication est rarement très bonne avec les instances sensées régir ces institutions sur le terrain.

Sur le terrain : la brousse, les zones protégées pour les animaux et notamment les éléphants, gardées par des rangers, des autochtones qui gagnent leur vie au péril de la leur face à des braconniers ultra-armés que peut-être ils rejoindront un jour, tout se fait et se défait au rythme de l’offre et de la demande.
Les animaux ont le droit de vivre et les hommes aussi. C’est pourquoi la Chine principale organisatrice du braconnage des éléphants et du trafic d’ivoire peut permettre de lancer à la tête des dirigeants du Gabon  » si tu t’occupais de ton pays nous ne pourrions pas l’anéantir »

Ce roman est un manifeste mais aussi un drame humain, avec ses personnages, particulièrement les « seconds rôles », attachants au possible et porteur d’un espoir qu’on voudrait salvateur.
Mais aux dernières nouvelles du Gabon, on n’est pas sorti des ronces.
Bien que la nature se défende, au mépris du naturel et du cycle…des éléphants naissent sans cornes, donc sans ivoire, de quoi mettre fin au traffic sans pour autant assurer la survie de l’espèce face à ses prédateurs.

LES OUBLIES DE DIEU – Ludovic LANCIEN

Les oubliés de Dieu  par Lancien

Un médecin généraliste est retrouvé massacré dans son cabinet aux Lilas, près de Paris. Son corps a fait l’objet d’un véritable carnage.
Très vite, l’enquête dévoile sa double vie et son intérêt morbide pour la tératologie : l’étude des ces hommes et femmes que l’on qualifie abruptement de « monstres ».

Ceux dont l’existence même fut jadis considérée comme une preuve de celle du diable.
Ceux que le régime nazi a cherché à éradiquer à travers des campagnes d’extermination longtemps tenues secrètes.

Ceux que l’on nomme parfois les « oubliés de Dieu ».
Chargé de l’enquête, le capitaine Gabriel Darui va recevoir un appel d’un homme qu’il s’était juré de ne jamais revoir. Un homme qui connaît ses secrets les plus troubles. Un homme qui, à l’instar du médecin assassiné, a frayé avec ce que l’humanité a de plus sombre. Un homme qui sait que toutes les leçons du passé n’ont pas été retenues et que, comme Darui va le découvrir, l’horreur se conjugue aussi au présent

GNADENTOD ou AKTION T4

L’aktion T4, appelé aussi «programme d’euthanasie» est un véritable protocole d’élimination des handicapés physiques et mentaux mis en œuvre dès 1939 à la demande expresse d’Adolph Hitler. Pour qualifier cette entreprise, le führer employa lui aussi un mot plus doux, celui de «gnadentod» qui peut se traduire par «mort infligée par pitié» ou «mort miséricordieuse». Loin de ne concerner que les assassinats par le moyen des chambres à gaz, de nombreux auteurs y incluent l’élimination des malades mentaux par des injections médicamenteuses létales et d’autres méthodes. Ces opérations étaient effectuées sans avertir les proches des patients concernés. L’Etat nazi voyait ces personnes comme une charge pour la société n’ayant aucune utilité pour la nation. Les personnes à exterminer étaient sélectionnées par les médecins et répartis en trois groupes: celles souffrant de maladie psychologique, de sénilité, ou de paralysie incurable; celles hospitalisées depuis au moins cinq ans ; et enfin celles internées comme aliénés criminels, les étrangers et celles qui étaient visées par la législation raciste nationale-socialiste. Ce programme de mise à mort préfigurait l’extermination systématique des Juifs mise en œuvre à partir de 1942. Lors du procès de Nuremberg (1945- 1946), le nombre de 275 000 victimes fut retenu.L’aktion T4, appelé aussi « programme d’euthanasie » est un véritable protocole d’élimination des handicapés physiques et mentaux mis en œuvre dès 1939 à la demande expresse d’Adolph Hitler. Pour qualifier cette entreprise, le führer employa lui aussi un mot plus doux, celui de « gnadentod » qui peut se traduire par « mort infligée par pitié » ou « mort miséricordieuse ».

Il faut aussi rappeler que le Vatican s’était élevé contre les pratiques du régime nazi, en affirmant, dans une communication du 2 décembre 1940, qu’ «il est interdit de tuer, sur ordre de l’autorité publique, des personnes […] qui du seul fait d’une infirmité psychique ou physique, ne peuvent plus être utiles à la nation». Les nazis combattirent ce qu’ils considéraient comme une compassion chrétienne excessive pour les plus faibles plutôt que de s’occuper de la santé du corps national. Ils rejetaient ainsi le principe de charité selon lequel on se soit de soigner tous les malades jusqu’à leur mort.

JOSEPH BENOÎT COTTOLENGO saint (1786-1842)

Prêtre italien, né à Bra (Piémont), mort à Chieri, fondateur d’un grand hôpital turinois et de divers instituts religieux qui poursuivent en Italie son action charitable. Cottolengo est ordonné prêtre à Turin le 8 juin 1811. Après quelques années de ministère rural, puis d’études théologiques, il décide de se consacrer au service des infirmes et des malades les plus déshérités. En 1828, il ouvre un minuscule hôpital de quatre lits, la Piccola Casa. Une veuve, Maria Nasi, fonde avec lui une société de Filles de la Charité pour le soin des malades. En 1831, le choléra se déclare à Turin, et la Piccola Casa, dénoncée comme un foyer d’infection, est fermée sur ordre de l’autorité civile. Cottolengo recommence immédiatement son œuvre au nord-ouest de la ville, au Valdocco, où il n’y a alors que des terrains vagues. La Petite Maison de la Divine Providence devient bientôt une grande cité hospitalière. Pour en assurer le service, Cottolengo met peu à peu sur pied diverses équipes de religieuses et fonde deux congrégations masculines, les prêtres de la Petite Maison de la Divine Providence et les frères de Saint-Vincent-de-Paul ; il y ajoute une œuvre pour les aspirants au sacerdoce, les Tommasini.

Cette histoire a l’allure d’un perpétuel miracle ; Cottolengo, qui attendait tout de la Providence, gérait son immense hôpital sans avoir de ressources stables, le surplus non utilisé des dons quotidiens étant redistribué aux pauvres chaque soir.

La cité de Cottolengo occupe aujourd’hui tout un quartier de Turin. Plus de huit mille personnes, infirmes, malades, orphelins, handicapés de toute espèce, y sont soignés, assistés, instruits, éduqués par plusieurs centaines de religieux et de religieuses. Il existe, en Italie, près d’une centaine d’instituts Cottolengo pour le soin des malades mentaux, des épileptiques et des infirmes.

Saint Joseph Benoît Cottolengo a été canonisé le 19 mars 1934.

La Piccola Casa della Divina Provvidenza | Cottolengo | TorinoMagazine
Le «Cottolengo», une œuvre sociale aux mains de la Providence – Portail  catholique suisse

https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9ratologie : TERATOLOGIE

Ce roman est saisissant, fascinant et bien sûr passionnant.
Il a été sélectionné pour le Prix Dora-Suarez 2021 et ce fut un crève-coeur pour moi que le jury ne l’ait pas retenu.

Cet ouvrage est une mine de documentation alliée à une combinaison romanesque visant à nous faire sentir que l’horreur est bien souvent à portée de main, à notre porte, dans notre entourage ou même encore, parfois, bien tapie à l’intérieur de nous, comme ces expériences traumatisantes vécues par Gabriel dans ses « dark-travel ».

Ludovic LANCIEN est un auteur à suivre, un « grand » en devenir.

FUCKING MELODY – Noël SISINNI

Fucking Melody par Sisinni

Fiorella, quinze ans est soignée dans une clinique depuis longtemps. Fiorella vient d’apprendre qu’elle est plus gravement atteinte que ce qu’elle croyait. Dotée d’une imagination sans fin, elle s‘invente des passés et son présent, ne pensant pas à l’avenir. Elle a fait la connaissance de Soline, musicienne et clown qui intervient dans l’établissement. Puis de Boris, le compagnon de Soline, bédéiste qui trouve en Fiorella l’un de ses personnages. Fiorella tombe amoureuse de Boris et décide de s’enfuir avec lui, même contre son gré.
Une saloperie dans la moelle épinière…Alors, il lui faut vivre, vivre passionnément et vite…Et comme toutes filles de son âge, elle veut connaître l’amour. Boris : un coup de foudre pour elle.
Fiorella n’hésitera pas à éliminer tout ce qui se met en travers de son chemin, un rouleau compresseur à leur poursuite. Mais plus ils avancent vers l’ouest, plus l’horizon s’obscurcit…
Alors « elle va, le crabe dans une poche, un flingue dans l’autre, elle va… »

Il faut oser cette plongée dans le noir, immerger le spectateur sans plus attendre dans une histoire qui ne peut se terminer que dans la mort.
Une étrange sarabande se joue autour de Fiorella, un cercle avec peu d’acteurs et une économie de moyens, comme une économie de mots aux travers desquels surgit un trait de poésie désenchanté…poésie parfois, désenchanté toujours…
Le lecteur, moi en l’occurence, s’en prend plein la gueule dès la première page, sonné mais jamais sauvé par le gong, impossible de faire une pause dans cette course à la mort et à l’amour, un peu comme si le fait de fermer le livre pour quelques instants allait provoquer ce qu’on redoute le plus, Fiorella pourrait mourir sans moi.
Pour un livre qui traite d’un destin funeste, on s’attache passionnément à ce trio, on les aime, on aime Fiorella, la menteuse, la fugueuse, la manipulatrice qui tente désespérément de tordre sa vie dans tous les sens pour y donner un sens. Elle, ce petit bout de femme qui veut aimer et être aimé avant de mourir demain, peut être, ou la semaine prochaine.
Même si l’auteur s’autorise quelques saillies humoristiques, car bien sûr la petite a quinze ans et elle n’a pas sa langue dans sa poche, on n’arrive pas à s’autoriser à respirer, ne pas trahir la gravité du moment, il y a déjà suffisamment d’impuissance sans en plus rajouter la culpabilité.
Vous l’aurez compris, c’est encore une fois une perle, une pépite du roman noir que nous propose JIGAL POLAR.

GADJO FAREL – André BLANC

Gadjo Farel par Blanc

L’assassinat d’un ancien patti issu de la communauté yéniche devenu un industriel en vue va entraîner le commandant Farel de la BRB dans un maelström international où des personnages inattendus vont faire surgir les aspects les plus sombres de la nature humaine : officier militaire, manouche, chaman, ministre en exercice, avocat international, mafieux de l’Est… Comme dans la tragédie grecque, la fatalité accablera les hommes, les habitera et les détruira.
Personne ne sera épargné, pas même les héros qui devront payer le prix fort. Prévarications, trahisons, meurtres, attentats, c’est dans ce climat de guerre que Farel va être touché au plus profond de sa chair !

Il y a deux auteurs lyonnais que j’affectionne particulièrement dans la catégorie « Polar », ce sont Jacques MORIZE et André BLANC, non parce qu’ils sont lyonnais mais parce que la toile de fond de leurs polars est la ville de Lyon et que je m’y retrouve comme chez moi.
Mais foin de chauvinisme provinciale !

André BLANC sculpte des polars musclés ancrés dans les méandres des malversations politiques, des engrenages économiques malsains.
Un peu à la manière d’un Olivier Marchal, il scrute ce qu’il y a de plus dégueulasse dans les rouages de notre société et attention c’est une mine et aussi un terrain miné.
Ici, pas de remords, et encore moins d’humour, tout est excessivement sérieux, il y a mort d’homme, et dans chacun de ses romans la fatuité l’emporte sur la vie humaine. Préserver son statut, sa fortune, sa réputation de grand bandit ou d’édile exemplaire et c’est à ce prix qu’il y a des hommes qui tombent, Farel en fera la douloureuse expérience (moi aussi puisque je n’ai pas pardonné à André d’avoir fait disparaître un de ses personnages).

Un dernier mot pour la fin : lisez la collection Farel, tous chez JIGAL, mais lisez les dans l’ordre de parution vous en aurez encore plus de satisfaction.

TABLEAU NOIR DU MALHEUR – Jérémy BOUQUIN

Couv tableau noir du malheur

A la suite d’un drame familial, Céline, professeur des écoles, débarque dans une nouvelle ville. Seule avec son ado de fils et son chien, sa vie est devenue un combat, contre son passé, contre les pressions familiales.
Pourtant elle s’accroche, sa planche de salut ? Son travail. Ce fameux « pari éducabilité » qui la fait tenir. Son métier prend la dimension d’une mission.
Dans ce quartier populaire des Murailles, la tâche est immense.
Sa classe, ses nouveaux élèves, des « grands » de Cours moyen, sont frappés par le déterminisme social et l’échec scolaire.
Puis il y a ce gosse étrange, Gary.

Ce roman est un gouffre, un gouffre pour le lecteur qui va vivre une expérience étouffante, un gouffre dans lequel rentre une enseignante déjà fragilisée par sa vie personnelle et qui devra s’affronter à une chute vertigineuse : perte de ses repères, de son éthique, la confrontation de l’humanité et de la sauvagerie…mais y a-t-il encore une once d’humanité dans ces zones dévastées par la catastrophe sociale envahissante, la paupérisation, la haine fruit de la rancoeur, la paranoïa qui s’installe face au déni des instances politiques.
Ce roman est comme une bombe, un condensé de tristesse et de violence sous-jascente, ça va pêter mais quand et comment ?
C’est noir de chez noir, l’auteur comme à son habitude va droit au but, une écriture précise, aucuns détours, une claque dans la gueule presqu’à chaque page pour aboutir à la fin à un KO debout.
J’ai cru mourir étouffé et l’éclat de violence à la fin du roman est salvateur mais on ne peut pas le cautionner, il y a comme un sursaut de morale qui voudrait que nous le condamnions, alors que c’est là que j’ai repris mon souffle car enfin un auteur parlait de ce que j’ai parfois désirer de faire dans des situations extrêmes et de toute ma honte d’avoir eu cette envahissement, car il « fallait » bien assumer les « difficultés », j’avais choisi mon métier, mais pas choisi que ma structure professionnelle m’abandonne.

Ce roman c’est un « retourne-tête ».

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