
Paul VALERY
Eté 1918, la Première Guerre Mondiale touche à sa fin. Ici, on combat. Ailleurs, on négocie la paix. Le capitaine Simon Fleurus est un héros contradictoire. Il s’est couvert de gloire sur les batailles de la Marne, de Verdun mais a désormais droit à une réputation peu flatteuse dans l’armée. En effet, un an auparavant, lors des combats du Chemin des Dames, il a, entre autres, participé aux tribunaux militaires chargés de condamner les mutins.
Harassé par ces guerres obscures et souffrant de stress post-traumatique, il sollicite sa mutation, au grand étonnement de son état-major. Ses supérieurs, qui ont apprécié ses capacités d’enquêteur, l’envoient en Algérie française. Dans un bagne de l’armée, en plein désert du Sahara, les cas d’évasion sont particulièrement élevés. Fleurus, accompagné du major Louis Zamberlan, pénètre dans la gueule de l’enfer..

L’horreur justifiée par une autre horreur: la guerre.
« Ce qu’il voit aujourd’hui dépasse sa conception de l’humanité. Abrutis par le soleil, la chaleur, le sable, le vent, ces hommes sont devenus fous. Loin des yeux du front, imprégnés d’un profond sentiment d’impunité, ils se croient tout permis. Pour eux, réduire leurs semblables à une parcelle de néant est devenu un acte d’une extrême banalité.
Le symbole de la punition, la preuve même que le cachot n’est pas une solution suffisante. Tant qu’ils recommenceront, ils y auront droit. »
Fût un temps où l’Inquisition agissait au nom de Dieu, menant des êtres qui au nom de la foi en Dieu devaient mourir, expiés leurs péchés de déviances envers la Foi étatique, les menant au bucher au devant du public, ésperant ainsi faire grandir la dévotion du tout un chacun en une grande liesse macabre : « la montée au sacrifice ».
En nos temps pas si éloignés l’Etat a conduit en une marche lente une foule d’hommes vers un sacrifice tout aussi indigne, celui d’une rédemption par la souffrance entrainant par là des exactions que personne à l’époque ne voulait nommer au risque de se voire assigner au même sort : « ennemi de la république » ou encore « anarchiste ».
A la différence de l’Inquisition, l’institution militaire-républicaine ne donnait que peu d’informations sur ces disparitions, les transformant en peines d’incarcérations pour motifs, le plus souvent d’insubordinations ou de désertions.
Les bagnes militaires naissaient.
Avec eux, cet éloignement géographique qui permettait aux proches de ces victimes de justifier l’absence de nouvelles, permettait aussi d’asseoir la colonisation à moindre coût.
Rien ne se perd dans le roman de Guillaume AUDRU, tout ce que je viens d’évoquer et bien d’autres choses qui m’ont sans doute échapper.
C’est un roman intense, pesant, infligeant, une douleur à lire.
Il y a bien sûr une intrigue, un récit, des personnages, au passage très bien ancrés dans leurs rôles, mais la réalité de ce récit c’est de nous dire l’Histoire.
AAHHH ! mais quelle horreur Guantanamo crions nous quand nous sommes les héritiers de ce témoignage, seules les méthodes de tortures ont changées et la communication avec.
Ludovic FRANCIOLI