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Dora-Suarez : L'actu littérature noire

Découvrez le meilleur de la littérature noire et des auteurs exceptionnels

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2023

BROUILLARDS – Victor GUILBERT

Marcel Marchand, excentrique espion des services secrets français, est assassiné par des agents de la CIA dans l’immense réserve d’accessoires d’un célèbre théâtre de New York : le Edmond Theater.

Avant de mourir, il a eu le temps de dissimuler, dans le fatras de décors et accessoires de scène, un mystérieux objet que la CIA comme la DGSE veulent récupérer.

Suspectant que l’identité de nombre de leurs agents est tombée entre les mains des renseignements américains à cause de cet espion décédé soupçonné de trahison, les services secrets français veulent envoyer un inconnu hors du circuit pour récupérer l’objet caché. Or, Marchand a eu le temps de griffonner un nom avant de pousser son dernier soupir : « Boloren ». Comme le nom de cet ancien flic, Hugo Boloren, qui s’ennuie dans sa formation de zythologue (« c’est comme œnologue mais pour la bière ») dans un petit village de montagne.

Le colonel Grosset, haut gradé de la DGSE et cousin de l’ancien commissaire d’Hugo Boloren, va donc le convaincre de partir à New York, de s’infiltrer dans le Edmond Theater, d’identifier et de récupérer l’objet caché. Et même si le colonel Grosset lui rappelle que sa mission se limite à retrouver l’objet caché et le rapporter en France, la petite bille qu’Hugo a dans la tête lui souffle de regarder plus loin. Alors qu’au milieu de ces brouillards, la tragédie rôde, prête à frapper Hugo Boloren de plein fouet.

Poets of the Fall – Carnival of Rust (Official Video w/ Lyrics)

Encore une fois un indispensable de cette nouvelle génération d’auteur(e)s hexagonaux, après “DOUVE” “TERRA NULLIUS”, voici “BROUILLARDS”.
Mais pourquoi cette obsession ? Recouvrir ses personnages d’une chape, dans “Douve” le village est un cul-de-sac recouvert par des nuages, “Terra nullius” est un labyrinthe plongeant dans une décharge géante, et c’est la ville de New York qui est empaquetée dans un brouillard insondable et les souterrains d’un théâtre de Broadway qui abritent la plus gigantesque réserve de décors connue.
Quand j’ai rencontré Victor j’aurais pu lui poser la question mais ni “Douve” ni “Brouillards” ne faisaient partie de mes lectures, alors je m’interroge.
J’oserai une option : à l’instar d’Agatha Christie qui mettait en place ses récits en lieu-clos, une maison, une île, un village, Victor enferme ses personnages et tel l’entomologiste les regardent se croiser, se bousculer, se mentir.
Et quels personnages !
Le récurrent Hugo Boloren qui n’est jamais mieux que confronté à l’inexplicable, incapable d’une vie privée car trop d’affects mais trop de parasite, soyons clair : il est completement barré et si Hercule Poirot avait ses petites cellules grises, lui a la bille, inexplicable bille qui se met en branle dans une métaphore de son psychisme.

Ce livre est une pépite.
Et nous n’avons pas parlé- entre autres- du décorateur de théâtre dandy trisomique, de l’éclairagiste aveugle, du directeur exhibitionniste etc…une revue de “freaks”.

Victor GUILBERT a été récompensé par le Prix DORA-SUAREZ 2022 pour TERRA NULLIUS chez HUGO Thriller.

La solitude des Bois noirs – Maria P. MISCHITELLI

Que se passe-t-il dans ce coin du Livradois-Forez pouvant justifier une telle série d’assassinats ? Le lieutenant Louatah est dépêché de St-Étienne pour tenter de percer des secrets bien gardés… pas seulement par la population locale. Quel est le rôle joué par Ganymède, un enfant de huit ans et demi venu de Guinée, adopté par une famille aisée ? Un enfant qui passe ses journées en forêt à parler aux arbres, il doit en savoir, des choses…

“ à votre tête on avait bien vu que vous n’étiez pas du coin “

et si toute l’histoire reposait dans cette courte phrase ?

Qui inquiète le plus les autochtones ?
L’enfant au prénom improbable ? Le flic berbère au comportement imprévisible ?
Tous les deux n’ont pas la tête du coin et ça fâche, ça inquiète, ça fait parler ou se taire.

Ganymède est un jeune homme de la mythologie grecque qui fut enlevé par Zeus en raison de sa grande beauté et amené sur le mont Olympe pour servir d’échanson. L’histoire apparaît pour la première fois dans l’Iliade d’Homère sans aucune suggestion d’un lien sexuel, mais Ganymède fut ensuite associé aux relations homosexuelles masculines et à la passion homoérotique.

Le mythe tel qu’il est raconté par Homère (8e siècle av. JC) raconte simplement comment les dieux reconnurent la beauté de Ganymède et l’amenèrent à l’Olympe pour être l’échanson de Zeus. Au 6e siècle av. JC, cependant, l’histoire fut présentée comme celle d’un Zeus tombant amoureux de Ganymède et le prenant pour amant. Le dramaturge de la tragédie grecque Sophocle (l. c. 496 – c. 406 av. JC), parmi d’autres dramaturges et poètes du Ve siècle, mentionna Ganymède et Zeus en tant qu’amants et développa l’élément romantique-érotique déjà établi, ce qui conduisit finalement le couple à devenir l’archétype de la relation amant-aimé de même sexe représentée sur les tasses, les assiettes et les cratères (cruches à vin) dans la Grèce antique et, plus tard, à Rome.

Ganymède est resté un sujet populaire dans les arts et est associé à la constellation du Verseau car il aurait renoncé à sa position privilégiée d’échanson pour donner les eaux des dieux à l’humanité, devenant ainsi le porteur d’eau et le bienfaiteur des mortels. À différentes époques de l’histoire, il en est venu à représenter différentes valeurs reflétant celles de la majorité dans une société donnée, mais de nos jours, il est plus étroitement identifié à la communauté LGBTQ+, qui se concentre sur l’amour exprimé par le couple et le sacrifice par Ganymède de sa position privilégiée pour bénéficier aux autres et maintenir la paix entre les dieux.

Ce jeune homme à l’instar de son illustre homonyme à été dérobé à sa famille et tel un demi-dieu il garde le contact avec la nature.

Une nouvelle question se pose : peut-on agir pour satisfaire un désir, nous les hommes puissants économiquement pouvons nous transgresser les lois naturelles pour un “besoin” ?
Quelle réponse apporter au trafic d’enfants ?
Une épreuve pour Walid Louatah, enquêteur bien plombé par le questionnement de ses origines.

C’est magnifique, il y a du Chabrol là dedans, dans les mises en situations des différents personnages secondaires, le pointage du doigt de cette bourgeoisie installée dans une ruralité confortable, et un petit quelque chose de Lavardin chez Louatah.

Ce roman a été sélectionné pour le Prix DORA-SUAREZ 2023.

Fatum – Sylvie CALLET

Trois adolescents issus des quartiers cherchent leur voie. Samia rêve de devenir écrivaine tandis que son frère Sohan est attiré par l’extrémisme religieux. Leur amie Abby préfère se la jouer racaille.
Lorsque la mystérieuse inconnue qui vient d’emménager dans leur immeuble est victime d’une agression, leur destin bascule.

C’est un putain de roman noir, celui de votre voisinage, celui de vos angoisses au quotidien, ce qui vous dérange ou vous inquiète et pourtant c’est notre réalité, une misère sociale et intellectuelle.
Elle voudrait écrire, il voudrait se battre, à chacun ses armes mais encore faut-il savoir avec quelles armes et quand souffre une habitante du quartier c’est tout qui bascule.

Une tristesse immense nous envahit, l’insondable et on touche le fond.
Y a t-il une solution ?

Et bien ce roman nous dit que sans doute il n’y a que des bribes pour ces personnes habituées à se contenter de miettes.
Décidément la vie n’est pas belle.
Bon courage.

Outaouais – Page COMANN

Des côtes déchiquetées d’Irlande jusqu’aux immensités enneigées du Québec, le vent de l’Outaouais souffle ses tempêtes et ses blizzards. Les hommes se révèlent plus violents encore que la nature la plus sauvage. Larguez les amarres et chaussez les raquettes. L’Outaouais vous attend. L’amour et la mort aussi.

James Fenimore Cooper est l’un des écrivains américains les plus populaires au XIXe siècle
En 1823, il commence à écrire ses romans les plus célèbres, qui constitueront le cycle de « Bas-de-Cuir » (Leatherstocking Tales) : « Les Pionniers » (The Pioneers, 1823), « Le dernier des Mohicans » (The Last of the Mohicans, 1826) et « La Prairie » (The Prairie, 1827). Ces livres retracent la vie d’un trappeur, Natty Bumppo sur fond d’histoire et de mythologie américaine (guerre d’Indépendance, recul des indiens, destruction de la Prairie). Le cycle comprend cinq romans historiques, publiés de 1823 à 1841.

Impossible de ne pas penser à JF COOPER à la lecture de OUTAOUAIS. COOPER n’était pas un “grand écrivain” mais un conteur de talent animé par un souffle épique.
Page COMANN possède le même souffle épique avec un talent d’écriture exceptionnel.
Il aura fallu de longues heures de recherches historiques et géographiques pour arriver à ce rendu sans fausses notes qui nous fait partager in situ l’ Aventure et je dis bien Aventure avec un A majuscule des parias devenus pionniers, des morts de faim dans leur pays venu chercher le salut.
Un salut qu’ils trouveront pour certains dans la souffrance, l’outrance et pour finir la rédemption, pour d’autres la souffrance sera leur dernier péage pour l’avenir.

“ vie de misère, coeur de pierre “La complainte sauvage du peuple irlandais réduit à la famine, asphyxié par ses guerres claniques et la pègre qui en découle, qui ne sait pas encore qu’après avoir échappé à tout cela il devra relever la tête, relever le défi de l’avenir et à nouveau souffrir sur ses propres terres ou devoir à nouveau fuir.

MIAM – Christophe TABARD

Décembre 1999. Lothar, la tempête du siècle. Le cimetière de Pantin, en banlieue parisienne, n’est pas épargné. L’un des cercueils laisse à découvert le squelette du petit Daniel Lechu,
3 ans au moment de son décès. Un squelette à qui il manque les côtes.
Les parents du garçon vont mener leur propre enquête et essayer de découvrir qui a profané le corps de leur enfant et, surtout, pourquoi ?
Et puis il y a Elsa qui aime sa petite vie tranquille et bien réglée.
Elsa qui ne se mêle pas de la vie des autres jusqu’à maintenant…

Roman atypique où se mêlent tragédies et humour noir.
Roman noir bien sûr où on rencontre un flic pourri, une vieille dame recluse chez elle parmi ses livres, un couple de bouchers plus beauf que beauf frappé par le malheur et la mesquinerie, la haine au quotidien.
On est en 1999 et pourtant j’ai eu le sentiment tout au long de ma lecture d’être dans les années 50, chez Simenon ou chez Audiard.
L’auteur maîtrise son sujet d’un bout à l’autre du récit, les événements s’enchainent sans discours inutiles jusqu’au final qui nous plongera dans l’horreur absolue.
C’est une lecture addictive, délicieuse, roborative, d’ailleurs tous les adjectifs du langage gastronomique se prêtent à cette plaidoirie.

Cet ouvrage est sélectionné pour les Prix Dora-Suarez 2023

LE PRODIGIEUX DETECTIVE – C. H. DE BURGH

Le Prodigieux détective, c’est l’histoire de Virgil Lennox, jeune homme frondeur vivant avec son père au fin fond du Nevada, dans la mal nommée bourgade de Perfection.
La vie s’y écoule classiquement, c’est-à-dire assez rudement – nous sommes à la fin du XIXe siècle -, jusqu’à un soir d’orage durant lequel Virgil est foudroyé. À son réveil, il se découvre un don pour l’investigation et se lance dans une succession d’enquêtes qu’il résout avec brio. Fort de ses succès, il part pour la Californie se confronter à d’autres énigmes..

Ce roman est comme un « best-off » de ce que le roman policier et particulièrement le roman à énigme a engendré de ses meilleurs détectives, c’est aussi un roman hommage à toutes ces personnalités du monde des arts ou du spectacle qui ont façonné ce « Nouveau Monde » entre le crépuscule du XIXe et l’aube du XXe siècle.

Ce roman est lui-même une énigme en soi dont je ne dévoilerai bien sûr pas le dénouement qui ne manquera d’en étonner plus d’un.

Alors, roman policier ? roman à énigme ? roman d’aventures ? roman historique ?
Et bien, tout ça à la fois raconté avec une écriture brillante et un extraordinaire sens de la manipulation qui s’installe dès les premières lignes de l’avant propos.

Ce roman a été sélectionné pour le Prix DORA-SUREZ 2023.

AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES – James HOLIN

Il est six heures du matin quand la police défonce la porte du jeune Nolan Dardanus à Bobigny. Les policiers cherchent son frère impliqué dans un trafic de stups. Si le frangin a échappé au commissariat, il reste en mauvaise posture, séquestré par Nacer à qui il doit 100 000 euros. Nolan affranchi par le caïd a jusqu’à 22 heures pour apporter l’argent. Heureusement, il reçoit une lettre d’un notaire de Laon, l’invitant le jour même aux obsèques et à la succession d’un oncle inconnu.
L’occasion de récupérer de l’argent. Le jeune homme fonce en Picardie. Là-bas, l’oncle d’Amérique se révèle être son père. Les présentations avec ses frères et soeurs sont courtes, car le testament les somme de s’entendre sur la succession dans la journée. S’ils n’y parviennent pas, un seul héritera de tout.

James Holin nous prouve une fois de plus que les codes inhérents au genre n’ont aucune prise sur lui. Et là il excelle dans un récit iconoclaste sur une trame très classique -la course à l’héritage dans un temps donné- qui met en scène une galerie de personnages bien déjantés aux motivations plurielles.
Se glisse à l’intérieur de cette famille hétéroclite celui que personne n’attendait : le demi-frère d’origine antillaise qui pour le coup a une motivation vitale puisqu’ il doit payer une rançon à un caïd de la pègre pour négocier la libération de son frère.
Tout ceci donne droit à une succession de situations plus cocasses les unes que les autres entre l’agitation hystérique des uns faisant basculer tout ce petit monde dans une course poursuite tourbillonnante et le calcul froid de certains autres qui atteindra son apogée quand une partie de l’héritage disparait.
Les dialogues sont succulents, les réunions de la famille -notamment chez le notaire- engendrent un chassé-croisé de répliques cinglantes et d’humour ravageur.
Vous l’aurez compris c’est un chef-d’oeuvre d’humour noir qui doit autant à Audiard qu’aux Monthy Python.

Ce polar qui n’en est presque pas un mais pourrait à tous moments le devenir est un régal doublé d’un livre qui fait du bien. C’est bon de rire.

DANS LEUR OMBRE (Une enquête de Wilkes et Bennett)

Le retour tant attendu des deux enquêteurs Wilkes et Bennett. Pour un crime ? Non ! Pour un mariage, celui de Bennett. Mais cet heureux événement dans leur belle Londres victorienne va virer au cauchemar lorsqu’un cadavre s’invite à la fête. Wilkes et Bennett ne sont pas sur l’affaire. Ils devront naviguer entre trahison, mystère et part d’ombre. Dans leur ombre.

Une enquête palpitante de Gaëlle Perrin-Guillet, qui clôture avec brio sa trilogie aux personnages attachants et dont l’écriture nous plonge avec fascination au coeur d’une époque qui marque un tournant majeur pour la police

Cette chronique aurait pu ne jamais voir le jour enfouie qu’elle était dans mes brouillons et je m’en excuse.

Un cadavre découvert sur le lieu même du mariage de Bennett cela veut dire fin de la noce et pour corser le tout l’affaire ne sera pas confiée à notre duo d’enquêteurs mais à l’infâme commissaire Burnett de la division S. Mais cela n’est pas du goût de Henry et Billy qui se lancent malgré tout dans l’élucidation d’une affaire bien plus complexe qu’il n’y parait.
Ce que nous propose l’auteure n’est pas seulement une plongée dans le crime mais bien dans l’exploration de cette fin du XIXe riche en progrès scientifiques et en pleine mutation de la réflexion sur la police, ses méthodes, ses résultats.
Si ce siècle et sa société victorienne n’aura pas été des plus tendres pour la population anglaise – Jack l’Eventreur, la prostitution, les tripots, les bandits à la petite semaine prêts à dégainer le surin, les pick-pockets, la misère – particulièrement en milieu d’urbanisation galopante telle Londres et ses mystères, l’auteure ne nous assène pas une dimension sanglante dans le récit, pas de complaisance.

C’est avec regret que l’on quitte notre duo, pour les laisser sans doute savourer une vie plus paisible. Et je ne doute pas que Gaëlle PERRIN-GUILLET ai encore quelques romans dans sa besace à nous faire partager.

DRAUGEN – Sébastien BOUCHERY

Katy Larson, romancière à succès, revient à Honey Falls, sa ville natale. Son retour va faire ressurgir d’anciens cauchemars, notamment la disparition de l’un de ses amis d’enfance, enlevé par Candel Wax. Ne pouvant résister à la tentation de régler ses comptes avec son passé, Katy Larson décide de retrouver l’homme acquitté au moment des faits et d’en finir avec lui. Mais son chemin est jalonné de pièges et de dangers, car Candel Wax reste l’assassin machiavélique qu’il a toujours été. Une curieuse alliance va alors devoir se former et un duel à mort s’engager.

Un roman qui en 540 pages emmène le lecteur à travers tous les aspects du roman noir.
On y retrouve la sensibilité et la fluidité du récit d’un Stephen KING, la présence du croque-mitaine aussi angoissante que la façade de sa demeure, les magouilles politicardes, l’ultra-violence d’un hard-boiled.
Sébastien BOUCHERY serait-il le maître du cliffhanger ?
Jusqu’à la page 470, impossible de deviner le tournant que peut prendre cette histoire dense, sans concessions dans laquelle nous sommes entrainés depuis les premières lignes du récit.
C’est un livre qui compte dans le paysage du polar et qui devra compter encore longtemps tant je pense qu’il n’a pas effectué le voyage littéraire qu’il mérite.

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