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Dora-Suarez : L'actu littérature noire

Découvrez le meilleur de la littérature noire et des auteurs exceptionnels

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2022

C’EST TON NOM – Laurent RIVIERE

Franck Bostik, l’ancien flic de Nevers, vient d’apprendre qu’il avait eu un fils douze ans plus tôt. La mère cherche à le mettre devant ses responsabilités, alors que l’adolescent devient compliqué à gérer.
Ayant hérité d’une parcelle de bois dans le Morvan, Bostik décide de s’y réfugier pour réfléchir à cette soudaine paternité.

Dans ce Morvan profond, il apprécie la compagnie de Thibaud, un jeune bucheron aussi doué que taiseux dont les silences cachent peut-être bien des choses.
Là-bas, Franck renoue avec son amie Livia, une archéologue rencontrée lors de fouilles sur le site de Bibracte. Elle lui demande de l’aide pour identifier des ossements mystérieusement retrouvés dans la cave d’une vieille maison au pied du lac de Pannecière. Ceux-ci correspondent au squelette d’un enfant d’une douzaine d’années, qui a manifestement été maltraité.
Douze ans, l’âge du fils de Franck.
Enquête policière et quête intérieure se mêlent. Franck va-t-il réussir à rencontrer son fils, à assumer un rôle de père ? Et qui est cet « enfant du Lac » ? Que lui est-il arrivé ?

En ouvrant un livre de Laurent RIVIERE je me laisse accompagner au fil des quelques premières lignes dans ce monde qui le caractérise si bien, un monde d’humanité et d’une certaine nostalgie de cette société pas si ancienne que ça qui s’entretenait à travers le travail, les liens familiaux, l’amicalité et les travers de tous en chacun exprimant avec plus ou moins de violence la souffrance d’un peuple, de ces « gens de peu » comme il est dit au début du roman.
Le voyage aux multiples étapes et multiples rencontres ne se teinte qu’à peine d’un sourire face aux déboires affectifs de Bostik avant de retomber dans ces méandres cruels de l’Histoire à travers l’Odyssée des enfants déplacés les « Petits Paris ».

Avec « Le dernier Sycomore » Laurent Rivière faisait revivre cette époque des cités ouvrières, des engagements politiques, des engagements sportifs. Tout un monde renaissait à mes yeux.
Les « Petits Paris » est sans doute une histoire que d’aucuns d’entre nous auront oublié tel une décision politico-sociale sensée prouver la bonne volonté d’un gouvernement se préoccupant de la population et particulièrement des moins bien nantis pour les jeter dans un monde d’esclavage, de souffrance avec la bénédiction de Dieu et du gouvernement.

LE FRIC OU L’ETERNITE – Paul CHAZEN

« Finalement, la seule chose qui ne changera jamais, c’est que tout change tout le temps… »
Ici, la Famille avait toujours régné en maître absolu. Socrate, lui n’en savait rien et n’en soupçonnait même pas l’existence. Mais comme au flipper, parfois il y a des rencontres qui bouleversent les destins ! Pour Socrate, ce sera Nino. Et avec lui son cortège de tsunamis. Parce que, il faut bien le dire, tueur, ce n’est quand même pas un métier comme les autres ! Gratifiant ? Oui, bien sûr. Mais pas facile tous les jours de tenir sans arrière-pensée la balance du jugement dernier ! Parfois, il suffit d’un rien…

D’abord c’est l’enfance, puis l’adolescence baignée dans la misère, la vie en taudis avec un père alcoolique, les dimanches au bidonville où vit la grand-mère qui sent le saucisson à l’ail et prépare un bortsch qui semble bien peu appétissant mais aussi un makowiec succulent gâteau aux graines de pavot avec des fruits secs, le cauchemar des chiottes empuantis et le tintement de la musique du rideau de la grand-mère entièrement fait en capsule de bière.

Et puis la rencontre tardive dans un rade avec un mec bourré qui lui propose un job vraiment pas comme les autres.
Alors le gamin des friches et des bidonvilles devient Socrate le tueur à gage, sans plus d’états d’âme que ça il prend le taf, l’exécute et touche l’argent : 50 briques pour s’acheter un bateau, rester à quai et ne pas vivre comme tout le monde.

Témoin d’un tabassage en règle sur un bas-port Socrate sans hésitation dégaine son Glock et abat les deux brutes avant de s’enfuir avec la victime et la ramener sur son bateau.
Troisième étape dans sa vie : la rencontre avec Nino.

Nous pourrions dire que Socrate se sédentarise, voire se fonctionnarise auprès de son nouvel employeur qui n’est autre que la mafia, tout roule entrecoupé de mini festins de « pasta » et rosé exceptionnel. Les contrats s’enchainent, les morts s’accumulent mais les emmerdes aussi et il faudra bien prendre une décision : pourquoi pas foutre le bordel et que les autres s’entretuent, tous seuls.
Alors comme Socrate n’a toujours pas adhéré à des états d’âmes ou encore à une morale, comme vous le souhaitez, il déclenche l’enfer avec un détachement jouissif.
Peut-être est-ce l’effet de cette nouvelle rencontre avec Mr Wu maître en sagesse…mais laquelle ?

Remarquable roman, direct, brutal avec son personnage qui en a déjà assez vu pour se lancer dans une aventure inouïe, tout ça avec un détachement qui caractérise ceux qui savent déjà qu’ils vont réussir.

LA MECANIQUE DU PIRE – Marco PIANELLI

« Pour combattre des démons, on gagne à faire appel au Diable, lui avait dit un jour un chef de clan en Afghanistan. »
Lander doit se rendre à Paris pour accomplir sa dernière mission. Un objectif très à risques, véritable raison de son retour en France et de son changement d’identité. Pour lui, le compte à rebours est déjà lancé. Mais en chemin, il croise la route de Marie. Une jeune veuve dont l’époux policier s’est « suicidé » il y a quelques années, la laissant seule avec leurs deux enfants et beaucoup trop de questions… Lander a un doute, une intuition… Derrière ce geste désespéré, n’y aurait-il pas la marque du Mal ? Comme les ténébreux agissements de la BAC 96 qui semble avoir mis la ville sous sa coupe ! Implacable et plus enragé qu’un fauve, Lander se lance à corps perdu dans ce combat, bien décidé à faire place nette et à rétablir la vérité !

Lander est une bête de guerre, une machine à tuer pour faire régner « sa » justice » et par la même occasion solder l’addition qui traîne depuis trop longtemps sur les bureaux de la BAC.
Lander c’est Charles Bronson ou Clint Eastwood s’il avait existé il y a maintenant de nombreuses années, maintenant c’est plus Vin Diesel mais il n’en reste pas moins ce héros que parfois nous avions un peu honte d’aimer, ce « vigilante » sans pitié qui nous envahissait de questions « avons nous le droit de faire justice? », « quelle est la limite du meurtre ? ».
Lander balaie toutes ces interrogations les reléguant même au rang de « pudeur de jeunes filles ».
Qu’importe, le train est lancé et personne ne peut l’arrêter. Implacable du début à la fin et comme Lander la lecture est inarrêtable.

SKAER – Philippe SETBON

Pays Basque. Dans une grande maison de maître, Harriet, la gouvernante, s’active. « Monsieur » doit bientôt arriver de Suède, ainsi qu’un mystérieux « colis ».
Non loin de là, mais ignorant tout de cette demeure, Skaer vit seul, en ermite. Mais un drôle d’ermite. Un baroudeur, plutôt, passant son temps à maintenir sa condition physique, à s’entraîner. Mais à quoi ?
On comprend rapidement qu’il s’agit d’un ancien militaire. A-t-il déserté ? Lui a-t-on confié une mission ? Il est là, et se tient prêt à passer à l’action.
Mais son plan semble chamboulé quand un soir, dans la seule habitation proche de chez lui, habituellement vide, une mère et sa fille décident de poser leurs valises. Elles semblent fuir quelque chose… ou quelqu’un.

…Dans un mouvement aussi naturel qu’imprévisible, il lui saisit le visage de sa grosse main et lui aplatit le crâne contre le tronc. Un seul coup suffit. La cervelle éclatée, les os broyés, l’homme s’affaissa sans un bruit sur le sol moussu.
– Risque zéro camarade…

Tous les lecteurs de Skaer s’accordent à dire que le personnage qui illumine ce roman est Celestia la petite ado plus futée qu’un renard, plus courageuse qu’une louve protégeant ses petits et plus rayonnante que mille soleil.
Skaer lui, porte en lui et sur toute la surface de son corps les stigmates de sa formation dans les commandos d’élite. Skaer ou Aaron bouillonne de rage alors il s’active pour contenir ce volcan mais quand survient une violence qu’il juge intolérable il rentre dans l’arène. Utilisant tout ce qu’il a appris, tout ce pourquoi il a été entraîné il se lance aux trousses de prédateurs sexuels qui enlèvent des enfants et les torturent pendant des jours.
Pour Skaer, accompagné du capitaine Paul Burgonges grand flic déguingandé, il n’y aura nul pardon. Si le diable s’en mêle il devra compter les morts dans ses rangs.

On le sait, Philippe SETBON est auteur, scénariste, metteur en scène, photographe et c’est dans un style très visuel qu’il nous conte ce récit de fureur et de sang. Je me suis pris à rêver d’une adaptation cinématographique avec ce décor sauvage de la campagne basque, avec ces personnages parfaitement définis dans leurs rôles, les dialogues ciselés et les réparties qui claquent. C’est déjà un excellent roman, ce pourrait faire un très bon film réalisé par l’auteur himself, on a déjà vu de quoi il était capable dans le genre avec son film CROSS.

VOS ENTRAILLES A NOS CHIENS – Pascal THIRIET

Lydia de retour au village est accueillie par le maire, son oncle Bartolomé, qui s’est porté garant suite à la condamnation dont elle a fait l’objet. Zia, sa tante, soigne et propose ici des remèdes pour conjurer le mauvais sort… Andréa, un gamin mazzéru, s’endort, rêve qu’il part à la chasse et qu’au matin il ramène une bête dont la tête est celle de quelqu’un du village qui mourra dans l’année… Depuis que Lydia est de retour, quelques corps de touristes ont été retrouvés éviscérés et suspendus dans les arbres de la forêt proche. Só le merle impérial voit et entend tout mais pas la peine de lui demander quoi que ce soit, il ne parle qu’en songe ou à Lydia. Le juge du parquet de Marseille, nommé sur l’île pour la circonstance, va avoir du fil à retordre pour démêler l’écheveau…

Ce roman nous emmène dans un magnifique écheveau mêlant polar, ruralité, écologie, mythes et légendes.
En effet il y est question de meurtres sanglants et rituels, de la vie au quotidien dans un village de montagne corse, d’un jeune garçon qui reçoit des messages funestes en rêve, d’une jeune femme qui pourrait être porteuse du « don », de sangliers pareils aux hommes.
Tout cela savamment construit pour en faire un magistral récit de sang et d’amour, amour entre les humains, entre les humains et la nature, quelque chose de féerique car les légendes protègent celles et ceux qui y croient même si parfois l’homme vient à forcer le destin.

LA BELLE DE CAUX – Ludovic MISEROLE


https://www.youtube.com/watch?v=jN7j8KdaJ4U
https://www.youtube.com/watch?v=aJZ6itRZbWo

Elle se sait condamnée, victime, comme tant d’autres, de la cruauté des hommes. Ce soir, la belle d’antan vit ses dernières heures. Incapable de bouger, et encore moins d’appeler à l’aide, elle les entend, à la porte, discuter de la façon dont ils vont se débarrasser d’elle. Résignée, elle n’a d’autre choix que de se préparer à l’inévitable en se remémorant les jours heureux partagés avec Maupassant, Massenet, Hugo et tant d’autres, ces fantômes d’une gloire révolue. Et si de son histoire dépendait justement son Salut. Et si… Depuis des années, Ludovic Miserole prend plaisir à raconter le destin de gens ordinaires ayant vécu des choses extraordinaires. Avec La Belle de Caux, l’auteur ne déroge pas à cette règle qu’il s’est fixée. Embarquez dans cette nouvelle histoire dans laquelle le devoir de mémoire se fait ressentir à chaque page.

N’hésitez pas à ouvrir les deux liens indiqués un peu plus haut, ce sont des témoignages audio-visuels des archives de la télévision française concernant l’Hostellerie des vieux plats.

Le prologue nous entraîne dans une vague d’émotions, j’ai su dès cet instant que je n’avais d’autre choix que me précipiter dans la lecture de ce roman étourdissant.
L’auteur nous cache toutes représentations de la narratrice, les deux personnages qui rodent autour d’elle ne sont pas ce qu’ils semblent être et il y a la famille Aubourg resplendissante et courageuse, parfois maltraitée par la vie mais toujours unie avec une détermination sans failles.

Ce récit tout autant historique que romancé nous est conté par l’auteur qui sait ce que chaque mot veut dire. Point de bavardages inutiles pour nous emmener à travers cette fresque artistique
(nous croisons Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Courbet et Monet …), culinaire, les revers dus à la guerre et à l’occupation allemande. Toujours dignes face à l’adversité. La vieille dame qui nous conte ses souvenirs en est la preuve vivante face à la mort qui s’approche.
Ce roman est d’une beauté rare, je crois que je ne pourrai jamais l’oublier et ainsi satisfaire le dernier voeux de La Vieille Dame.

INSTANTS SAUVAGES – Noël SISINNI

Quelque part dans les Pyrénées, Richard Butel, romancier, la cinquantaine, ne parvient pas à surmonter la disparition brutale et inexpliquée de sa femme, Leslie.
Héroïnomane depuis des années, totalement isolé dans son monde, loin des hommes, il vit dans le déni le plus total lorsqu’il fait une singulière rencontre: une très belle louve qui rode autours de chez lui.
Richard décide alors d’apprendre à communiquer avec elle, de devenir sauvage à ses côtés… Il est persuadé que cela lui permettra de renouer avec Leslie…
Cependant, quand le cadavre d’une femme est découvert, dans la montagne, à moitié déchiqueté par les bêtes sauvages, Richard est immédiatement soupçonné d’avoir assassiné son épouse.
Qui, des autorités, de la nature humaine ou de l’instinct sauvage, sera capable de démêler cet étrange écheveau ?

Un roman sur l’absence, la séparation, l’insupportable manque.

Je suis un homme vidé de sa substance depuis la disparition de Leslie, j’ai perdu tout ce que j’avais, j’ai renoncé à écrire, renoncé à vivre. Mon existence psychique est aussi fragile que la structure de ma cabane dans les bois, elle subit les intempéries, les aléas, moi, je m’inflige une perdition à base d’alcool, de tabac, d’héroïne, j’essaie de me fondre dans la terre, les feuilles, les odeurs d’humus, de m’y perdre comme dans une tombe grattée à s’arracher les neurones sans jamais avoir pensé que c’est de là que pourrait venir ma rédemption.
Elle ne s’y est pas trompé la louve blessée, elle est venue se réfugier auprès de celui qui avait autant besoin d’elle que elle de lui.
Richard devra se reconnecter à l’existence, se débarrasser de ses addictions, confondre parfois Leslie absente et la louve toujours en quête d’amour.

Cet insupportable manque !

C’est un des rares roman noir que j’ai lu qui se termine sur une note, que dis-je une symphonie d’espoir,
merci à Noël SISINNI pour ce remarquable roman.

LE DERNIER SYCOMORE – Laurent RIVIERE

Le dernier sycomore par Rivière

Radié du commissariat de Nevers en raison de litiges avec sa hiérarchie, l’ex-lieutenant de Police Franck Bostik s’est réfugié à Vauzelles, la Cité-Jardin cheminote de son enfance. Retrouvant là-bas son cousin, un militant collectionneur de tracts syndicaux et dernier mohican à n’avoir pas vendu la peau de l’URSS, Bostik tente de se refaire le moral dans un décor ouvrier qui lui est familier : quatre-cents pavillons identiques au coeur de rues tracées à l’équerre et bordées d’arbres aux essences rares.

Pour passer le temps, Bostik et le Couz’ se sont mis au défi de résoudre une énigme locale : retrouver les individus qui dérobent la tête de la statue de l’Aviatrice, un monument mystérieusement saccagé depuis 1943. Mais Bostik devra vite changer de braquet le jour où la mort surgit brutalement dans sa petite enquête, en apparence anodine.

Quels secrets de famille lui a-t-on caché au cours de ces quinze dernières années ? Le crime a-t-il un lien avec la statue décapitée ? Dans la cité-jardin, les avenues de sycomores lui paraissent tout à coup bien plus inquiétantes que dans son enfance.

Depuis 100 ans la Cité Jardin est un repère, certains vous diront que l’on s’y perd, que les maisons sont toutes les mêmes, c’est bien mal la connaître ! A elle seule, elle inscrit l’histoire de la ville dans l’évolution industrielle de notre pays et de notre territoire. Ce document est une invitation à découvrir les détails et les anecdotes qui font des maisons de la Cité des éléments de mémoire urbaine et ouvrière.

Historiquement au cœur de la vie cheminote au côté des ateliers des chemins de fer, la Cité Jardin a su évoluer au fil du temps : les rues ont pris les noms des Résistants, une piscine s’est installée en son centre, des maisons modernes voisinent avec les maisons ouvrières, les avenues se sont adaptées aux modes de déplacements.

Son implantation au lieu dit Vauzelles et le développement de notre ville autour de ce quartier sont à l’origine du changement de nom de la commune en 1969 : Varennes-Les-Nevers devient Varennes-Vauzelles.

Ils sont fragiles les personnages de Laurent Rivière, un peu de bric et de broc, mal ajustés à la vie mais avec un coeur « gros comme ça » ancrés encore dans l’enfance passée dans ce décor de la Cité-Jardin au plus profond de la « vraie vie », celle qu’on gagne à la sueur de son front avec la peine qui va avec. Alors les ados puis les jeunes adultes enquêtent sur une mystérieuse statue d’aviatrice décapitée une fois l’an, entre les parties de baby-foot et les revendications sociales.
Les jeunes gens vieillissent, Bostik devient flic et le Couz’ un branleur patenté.
Mais quand la mort s’invite le jeu doit cesser, les secrets refont surface, les parties de baby-foot ne sont plus exactement celles que l’on croit connaitre et la statue de l’aviatrice renferme plus de peine et de douleur qu’il n’y parait.

Il n’y a pas de héros dans cette histoire ou alors peut-être la Cité elle-même détentrice de tant d’histoires.

HELOÏSE – Ophélie COHEN

« Toutes les femmes ont une histoire. La mienne est plutôt moche. » À la veille de ses trente ans, au cours d’une nuit entourée des fantômes de son passé, Héloïse va se raconter. Portée par les souvenirs et les remords, elle ouvre la boîte de Pandore. Noir, intime et dérangeant, un roman à la fois sombre et lumineux dans lequel les émotions sont à fleur de mots

Dès le prologue on sait qu’on va plonger dans une histoire noire, glauque, un testament.
Mais le pire reste à venir.

Le mot-clé de ce roman est  » abandon « . L’empreinte de l’abandon originel va façonner la vie d’Héloïse, d’échecs en maltraitances, de violences en blessures dans le cops et à l’âme. De bien trop fugaces éclaircies tentent d’illuminer un peu ce récit sans jamais y parvenir au point tel que le lecteur y prête peu d’attention.
Il s’agit bien d’un récit, nulle intrigue ne vient se prêter à une divergence. Le récit d’une vie perdue, le récit du désespoir, le bilan d’années de souffrance jusqu’à la dernière page et comme pour tout bilan il faut bien en tirer les conclusions qui s’imposent, la sentence sera irrévocable.

Héloïse victime oui, mais aussi bourreau et le statut de l’une ou de l’autre n’est pas plus facile a porté et ne peut que l’enfoncer un peu plus dans les ténèbres de l’Ombre qui l’entoure et la maintient figée dans cette inexorable perte.

C’est un récit poignant, dérangeant et tellement emprunt de vérité.
Ce roman est sélectionné pour le Prix DORA-SUAREZ 2022.

SOUVIENS-TOI DE SARAH – Page COMANN

Diane, éditrice chez Sandwood Publishing à Londres, reçoit un manuscrit anonyme.Une jeune adolescente, Sarah, y confie sa vie de misère dans les années sombres de l’Angleterre des années 60. Elle y avoue aussi les crimes qu’elle a dû commettre pour échapper à son destin. Vraie confession ou habile fiction d’un auteur contemporain?
Bouleversée par ce manuscrit, Diane cherche à en retrouver l’auteur et part sur les lieux où Sarah dit avoir vécu et souffert, quête qui lui fait traverser les paysages époustouflants d’Irlande et d’Écosse.

Comme je l’ai dit précédemment Souviens-toi de Sarah est sans aucun doute le meilleur roman de l’année et j’insiste sur l’appellation « roman » car c’est un ouvrage qui transcende tous les genres.
Même si je connaissais les auteurs en lisant le manuscrit j’ai opéré une forme d’arrêt sur image…
Curieux mais pas impossible, la preuve : j’ai perdu les auteurs de vue et je me suis persuadé que Page Comann était une femme, j’ai mis de côté l’époque pour le vivre dans un monde victorien.
J’avais installé Dickens dans le récit.

Il y a chez Page Comann ce romantisme des faubourgs, de la tristesse et de la souffrance si chère à Dickens. Ce qui nous prouve après réflexion que le monde change très peu, la société évolue peu voire pas surtout quand il s’agit d’exploiter et maltraiter les plus faibles. Quand je parle de société il est évidemment question du clergé et de la bourgeoisie, des institutions en général peu enclintes à renoncer à leurs privilèges.
Dans tous les grands romans victoriens la recherche des origines est au centre de l’intrigue, je pense à Le Quinconce de Charles Pallisser ou aux Illusions perdues.
Ce roman est déjà un « classique » avec son histoire de quête plongeant le lecteur dans l’infamie, son écriture ciselé, pas un mot de trop ni en moins, la fluidité du texte (pas simple dans ce genre d’exercice à quatre mains).
Je réitère : sans doute le meilleur roman de cette année.

NUITS BLANCHES EN NORMANDIE- Jérôme SUBLON

Mort (prononcer « Morte », comme Mort Shuman), est un ancien « enfant-placard ». Il a réussi à sortir de cette enfance tragique en mettant au point une stratégie imparable pour se venger des multiples humiliations dont il a été victime. Le problème, c’est que devenu adulte… il continue. Il transforme la ville de Rouen en terrain de guerre et ce sont sept meurtres inexpliqués que le commissaire Kerny doit résoudre. Mais Kerny, à quelques jours de la retraite, n’a pas envie de se compliquer la vie et traite les dossiers par-dessous la jambe. Le massacre peut continuer…

Une énorme surprise !
En effet croiser Jérôme SUBLON sur la route de cette poursuite infernale ultra-violente n’est pas rien, il ne nous avait pas habituer à ça et il s’en sort très bien.

C’est le récit de l’enfance outragée, sacrifiée.
Mort et Malvina sont tout d’abord des victimes, lui Mort est un enfant du placard dont le seul espace vital est une soupente aveugle sous l’escalier pendant que sa mère se prostitue, elle Malvina prostituée très jeune par sa mère qu’elle finira par tuer en incendiant la maison.
Mort est difforme, bossu, Malvina est belle. Quasimodo et Esmeralda, la Belle et la Bête.
Ils s’unissent dans des noces de sang et de sexe, chevauchant un monstre mécanique, la fameuse Triumph Thruxton 1200, à la recherche des blessures du passé pour faire payer le monde qui les entoure. A chaque nouvelle blessure infligée, une insulte, une moquerie, Mort le
condamne, non pas à mourir mais à devenir un meurtrier.
C’est brutal, rapeux comme de la toile émeri, ça fait mal et ça tache.
Pas un instant de répit dans la lecture car Mort ne s’octroie aucun répit, il persiste, il n’a jamais pu quitter son placard et Malvina l’y a rejoint, il est passé de la masturbation solitaire forcenée à la découverte d’un échange sexuelle même si ses mots traitent l’affaire avec un mélange de vulgarité et de banalité. Mais comment peut-on parler d’amour avec ce fardeau de sa vie, il en est ainsi pour Malvina aussi.

A lire absolument car si on parle de roman noir je crois que là il est difficile de faire plus sombre.

DIEU EST UN VOLEUR QUI MARCHE DANS LA NUIT – Quentin BRUET-FERREOL

https://www.youtube.com/watch?v=vzVKLGLYENU
https://www.youtube.com/watch?v=uo6Su-ywzK0
https://www.youtube.com/watch?v=vBhcGH7s9Ac

Entre roman noir et récit d’initiation, Dieu est un voleur qui marche dans la nuit est le fruit de sept années d’enquête sur la secte Heaven’s Gate, rendue célèbre par le suicide collectif de ses trente-neuf adeptes en mars 1997
Californie, 1997. Trente-neuf corps retrouvés dans une villa. Uniformes noirs. Draps mauves sur le visage. La mort semble être venue à eux paisiblement. Et pourtant, un signal clignote sur tous les ordinateurs : « Alerte rouge ».

Vingt ans plus tôt, Barthélemy, jeune hippie au bout du rouleau, rencontre Dieu lui-même dans un motel miteux. Pour devenir l’un des disciples de ce quadragénaire charismatique, il doit renoncer à l’amour, à sa famille et jusqu’à sa propre humanité. S’il y parvient, son maître lui a promis, il lui ouvrira les portes du paradis.
Pour l’auteur, tout commence le jour où il découvre le site Internet de la secte Heaven’s Gate. Comment peut-il être encore actif, alors que tous ses membres sont morts lors du suicide collectif ?

Première secte de l’ère Internet, Heaven’s Gate annonçait les tensions qui agitent nos sociétés contemporaines. Inspiré de faits réels, ce roman est une plongée vertigineuse dans le fait divers le plus étrange du XXe siècle et dans l’âme de ses adeptes en quête d’absolu, qui nous ressemblent bien plus qu’on ne peut l’imaginer.

passez la première minute, c’est une pub.

Une immersion totale dans un monde qu’à priori mon bon sens aurait renié sans toutefois fait taire ma curiosité.
Deux individus, un homme et une femme surnommés d’une manière ridicule un peu à la façon des télétubbies s’en viennent dans des petites villes prêcher une connexion extra-terrestre qui peut nous emmener directement vers Dieu, à condition de devenir « parfait » et « éligible » au voyage.

Nous sommes en 1977, les citoyens américains se cherchent une voie, qu’elle soit spirituelle ou sociale, ce qui pèse des années précédentes reste un fardeau lourd à porter.
Et comble de la manipulation il n’est demandé à personne de transmettre ses biens et avoirs à la secte, au contraire il faut en faire don à qui on veut et abandonner toute sexualité.
Vingt ans après le désir de règne sans partage viendra à bout de Marshall professeur de chant, homosexuel convaincu et illuminé adorateur de Star Trek c’est la trahison de Bonnie qui contre toute doctrine aura des relations sexuelles et mourra, il entrainera alors avec lui trente huit adeptes dans ce qui devait être l’aboutissement, l’ultime voyage, provoquant parfois la colère de ceux qui ne furent pas invités.

Heaven’s Gate est un regroupement atypique dans le sens où il n’y a pas ou peu de contraintes pour les adeptes, une option « new age » en quelque sorte et surtout basé sur une idée saugrenue: un vaisseau extra-terrestre viendra nous chercher, tenons nous prêts pour ce rendez-vous et nous rencontrerons Dieu
Cela en dit long sur la misère intellectuelle et affective que supporte l’Amérique à cette période de l’Histoire, particulièrement dans l’Ouest du pays.

Ce livre est non seulement passionnant mais aussi très bien composé, argumenté à souhaits, impossible de le laisser, c’est un événement.

 » Deux personnes ont révélé qu’elles venaient du Niveau Supérieur Au-Dessus de l’Humain et qu’elles allaient y retourner à bord d’un vaisseau spatial (ovni) d’ici quelques mois. Cet homme et cette femme expliqueront comment faire la transition du niveau humain jusqu’au Niveau Supérieur, et quand cela peut arriver »

LA TERRE EN COLERE – Nils BARRELLON

Un corps pendu au-dessus du périphérique parisien. Une vidéo revendiquant l’assassinat au nom d’un surprenant Djihad Vert. Le commissaire Bonfils et le groupe Da Silva, de la brigade criminelle de Paris, sont saisis. Très vite, la liste des prochaines victimes est communiquée au grand public. La panique gagne les dirigeants des entreprises les plus polluantes de la planète. Qui sont ces curieux activistes, prêts à toutes les horreurs pour faire entendre leur cause au plus haut niveau de l’État ? Qui tire les ficelles de ces soldats de la Terre jusqu’au-boutistes légitimant leurs actions par l’urgence écologique ? Julien Bonfils va devoir s’employer à faire la lumière sur ces meurtres et découvrir que les grandes causes ne servent pas toujours les grands sentiments.

On est projeté dans une actualité brûlante, que ce soit au niveau de l’urgence écologique que de la manipulation politicienne et mafieuse.
Le roman tient un rythme grâce à des chapitres courts qui font s’enchainer les événements et surtout les cadavres tant derrière une façade de bons sentiments se cachent les bouchers de notre société et les profiteurs de toutes espèces.

Bref, on suit une enquête policière mené de main de maître par Julien Bonfils et orchestrée par Niels Barrellon au mieux de sa forme, encore que ce ne soit pas mon préferé de l’auteur, mais il n’est jamais décevant et j’attendrai comme à chaque fois son prochain ouvrage avec impatience.

LA CHIMERE DE LA DOMBES – Frédéric SOMON

Un matin brumeux dans la Dombes, sept ans après les premiers assassinats d’adolescentes, la découverte d’un nouveau meurtre avec un modus operandi identique, est un choc pour les gendarmes de la section de recherches de Lyon. Ces derniers étaient convaincus d’avoir mis hors état de nuire celui que la presse avait surnommé « Le tueur de la Dombes ». Si le chef Deschamps est chargé de cette nouvelle enquête, il en sera très vite dessaisi lorsque son épouse sera abordée par un inconnu qui s’avèrera être le serial-killer. Se moquant des gendarmes, ce dernier n’hésitera pas à les provoquer, jusqu’à kidnapper, à quelques centaines de mètres de leur caserne, une autre adolescente.
Ces deux affaires entraînent de nouvelles tensions entre la gendarmerie en charge du meurtre et le SRPJ enquêtant dans la disparition d’Alys Valemberg. Une enquête sous haute tension qui mettra tout le monde sur les nerfs de Lyon jusqu’à Genève.

Il faut saluer Frédéric SOMON qui vient de recevoir un Prix à Nîmes ce week end et je l’en félicite.
Pour ma part je suis passé d’emblée au deuxième roman, une « suite » qui s’avère magistrale.
Une connaissance bien sûr approfondie du milieu de la Police Judiciaire, de par le fait et une connaissance de l’être humain dans son milieu personnel ou professionnel qui fait de ce roman un véritable document doublé d’un récit passionnant qui parfois touche au mystique, ménage le lecteur à travers des moments de reflexions, d’accalmies pour mieux le plonger dans l’univers cruel de cette traque qui peut ruiner la vie de tous les protagonistes, laissant planer la figure dantesque du tueur, un peu comme un personnage de John CONNOLLY.

LE REVE D’HABIB – Jean-Michel LEBOULANGER

Deauville, ses belles demeures, sa plage aux parasols multicolores, tel un fragment de paradis.
Et soudain, sur le sable blond d’un matin calme, un cadavre atrocement mutilé.
Règlement de compte, trafic humain ?
Fraîchement promue capitaine et mutée sur la côte normande, Hadija Mounier va devoir prendre en charge cette affaire sensible.
Secondée par un jeune OPJ au tempérament atypique, elle va être confrontée aux profiteurs sans scrupules mais également aux bonnes âmes locales. Une plongée éprouvante au sein de la noirceur humaine qui fera remonter à la surface des épisodes enfouis de son propre passé..

J’ai apprécié ce roman en deux blocs, la première moitié stupéfiante d’une vérité qui nous blesse par sa violence descriptive de ce monde de misère aux mains de mafias et d’organisations terroristes qui agissent sous le couvert d’une « organisation humanitaire » sans réels contrôles, comme sas bourré de trous laissant apparaître le crime par désespoir de plans économiques, de budgets et surtout de projets viables.
C’est une vision dans cette partie de l’ouvrage qui effraie, même si nous sommes des spectateurs lointains à travers les médias, cette première partie est un témoignage.
La deuxième partie, ou second bloc nous entraine dans le roman policier, avec malheureusement ses tics : prêter au personnage féminin des affres affectifs (ce qui ne m’a pas du tout interessé) à travers une relation tumultueuse avec un de ses collaborateurs.
Ce sont des disgressions qui ont fait baisser mon attention, et de ce qui présageait un livre engagé, un livre témoignage devient un scénario de téléfilm.
Jean-Michel j’ai vraiment été capté par la moitié de ton livre, ce qui justifie ta nomination au Prix Dora-Suarez 2022, mais je n’ai pas adhéré à la seconde partie. Peut-être parce que c’est le seul que j’ai lu de ta trilogie.

Mon illustration musicale réside dans le titre « raison de se battre ».

AFFAIRES INTERNES – Didier FOSSEY

Août 2015 – Autoroute A 10.
Deux hommes au volant de leur berline roulent à vive allure et provoquent un accident d’une violence inouïe : une femme est tuée sur le coup, sa fille de 5 ans est grièvement blessée.
Lorsqu’il apprend le drame, Yann Rocher – officier de police, et père de l’enfant – est en service ; il est dévasté.
Les conducteurs s’en sortent avec quelques blessures…
3 ans plus tard… Février 2018 – Lyon
Des braqueurs attaquent une bijouterie du centre-ville; la police judiciaire est saisie. Durant l’enquête, la capitaine Poirier remarque des similitudes avec d’autres braquages commis dernièrement en France.
L’organisation sans failles des malfaiteurs ressemble à celle des militaires ou… des policiers, ce qui attire l’attention de l’Inspection générale de la Police nationale.
De son côté, Yann Rocher, désormais chef de la BAC Nuit, à Colombes, a toujours la même idée en tête : venger sa fille, Mia.
Et pour cela, il est prêt à tous les compromis..

Un mot d’explication sur le choix de mon illustration musicale de cette chronique.
Ce titre me semble tenir en son sein tout l’amour et tous les regrets de Yann Rocher, comme une litanie obsédante, qui tourne, tourne et tourne encore…

La vengeance comme un rachat, une expiation sur un thème polar extrêmement classique, je pourrais même dire archi vu, les flics ripoux, les casses de plus en plus risqués, l’IGPN au bord de la crise de nerf, la tension en crescendo.
Tous les personnages ont leurs particularités même si on est globalement dans le brutal, seul Yann Rocher vient capter toute mon attention, je m’identifie à lui alors je souffre avec lui, tout cela par le talent d’écriture de Didier FOSSEY, fluide, par moments presque journalistique pour mieux laisser ces moments de fulgurance apparaîtrent et nous aveugler.

Merci à toi de m’avoir dédicacé ton ouvrage qui, vois-tu tient sa place dans la liste des nominés 2022 pour le Prix Dora-Suarez.

A SANG ET A MORT – Sandrine DUROCHAT

Une violente attaque de fourgon blindé qui tourne mal. Un convoyeur au tapis et neuf millions envolés… Entre Grenoble et Échirolles, deux clans se sont alliés pour tenter un gros coup. Mais rien ne s’est passé comme prévu… Au milieu de cette faune qui s’entretue pour l’argent et le pouvoir, Nina, Audrey, Karen et Samia vont tenter d’en réchapper… Et puis il y a Hirsch, dit Le Mur, commandant de police pourri jusqu’à la moelle, Precious, le caïd, Malik, le boss. Tous aussi malsains les uns que les autres… Et Gabriel, le flic en pleine dépression depuis la mort d’un jeune manifestant, qui, en quête de rédemption, semble vouloir remettre les choses à leur juste place…

Tétanisé !
Comment resté intact face à ce déferlement de violence ?

Suis-je dans un film qui a grands renforts de morts violentes comme on en trouve trop souvent, c’est mon point de vue, nous accroche les yeux fixés à l’écran, la sauvagerie qui crée le besoin d’encore plus, il y a de ça dans ce roman.
Mais ce ne pouvait pas se résumer à un artifice, connaissant Sandrine DUROCHAT elle ne pouvait pas nous trahir avec « à la manière de… ».
Alors je lui ai fais confiance pour nous raconter une réalité, bien sûre romancée (quoique) nous accroche à une sauvagerie inéluctable et bien réelle. Là ça fait peur et on peut croiser ce qui alimente les faits divers de nos quotidiens régionaux avec son récit parfois caricatural.

Ca pète, ça roule à mille à l’heure. Ce qui pouvait être réjouissant dans sa série de nouvelles devient un étranglement au bord de la perte de connaissance, je l’ai lu d’une traite mais je n’ai pas dormi d’une traite, hanté j’étais, et tout particulièrement par Précious, une victime-monstre à fleure de chair.

Comme j’écris cette chronique d’un seul jet sans aucune intention de correction (à part l’orthographe), je reviens sur le mot « caricatural », il n’est absolument pas péjoratif mais il m’est venu par le surnom du commandant « Le Mur », je ne sais pourquoi, c’était trop…
C’est une bombe dans la narration et j’attends de Sandrine son prochain roman…?

SARAH JANE – James SALLIS

Surnommée « Mignonne », ce qui ne lui va pas comme un gant, Sarah Jane Pullman a déjà trop vécu pour son jeune âge : famille dysfonctionnelle, fugue à l’adolescence, crimes, petits boulots dans des fast-food… on se demande comment elle parvient à redresser la barre. Elle y arrive et, à sa grande surprise, est engagée comme agent au poste de police de la petite ville de Farr. Lorsque le shérif titulaire disparaît, c’est elle qui prend sa place. Mais Sarah Jane ne se satisfait pas de la situation. Cet homme, Cal, était son mentor, son appui, et elle ne peut accepter qu’il se soit évanoui dans la nature. Elle va découvrir des choses qu’elle ne soupçonnait pas…

Comme l’avait titré un article de presse, ce roman est le puzzle d’une vie dévastée, mais pas seulement celle de Sarah Jane mais celles aussi des vétérans de guerre et des habitants de ces trous du sud de Etats Unis dont la vie est rythmée pour les premiers pas les suicides et pour les seconds par les malveillances de la vie, les accidents de voiture, les meurtres crapuleux, l’alcoolisme.
James SALLIS, outre être un digne représentant de la littérature noire américaine fut aussi traducteur de Blaise Cendrars ou encore Raymond Queneau et surtout le spécialiste du roman élliptique, comme son héroïne qui passera son temps à s’éclipser et à raser les murs passant de combattante dans les déserts orientaux à ajointe de police dans une petite ville d’où le shérif disparaît sans laisser de trace.
Sallis nous dit : « Toutes les histoires sont des histoires de fantômes, qui parlent de choses perdues, bataillant pour être vues, pour être acceptées par les vivants »

A nous de combler les trous dans l’énigme de cette vie.

# JE SUIS LILLY – Vincent VILLA

Lilly est morte, massacrée à la hache par son ex-compagnon, depuis disparu. Pour beaucoup, un malheureux fait divers. Pour Nina, sa petite sœur, le pire des crimes. La jeune boxeuse ne rêve que de vengeance…
Alors que Lilly devient le symbole de la lutte contre les féminicides à travers le hashtag #JesuisLilly, l’affaire prend une tournure plus dramatique encore : quelques heures après une manifestation, une militante est brûlée vive…
Sur un sujet tragiquement d’actualité, un thriller fort, pertinent et palpitant.

Ce roman est un engagement contre les violences faites aux femmes et on ne peut qu’en remercier Vincent VILLA, et c’est aussi un excellent polar, actuel et urbain, violent et parfois cruel.
Une histoire de vengeance et de traque, Nina poursuit l’assassin de sa soeur, Paolo le flic poursuit un ou plusieurs assassins de femmes qui agissent selon un rite médiéval religieux, tout en essayant de ne pas perdre la trace de Nina.

Des rencontres parfois très belles avec de beaux portraits de femmes engagées dans une lutte qui peut leur faire perdre la vie, des rencontres moins belles et plus sulfureuses en la personne d’un vengeur masqué éliminant les hommes violents, et des rencontres immondes avec ce club de la suprématie mâle et leurs actes violents oscillant entre le KKK et l’Inquisition religieuse dont le leader, un dégénéré se verrait bien finir son oeuvre en se transformant en mass-murderer.
Vous l’aurez compris, ça bouscule mais ça éblouit aussi sur un sujet trop souvent traité par des
femmes comme si la souffrance endurée en tant que telle ne pouvait s’exprimer que par leurs bouches. Vincent VILLA nous prouve avec ce roman que les hommes peuvent avoir leur mot à dire et peuvent s’ériger en témoin, en défenseur, en juge.

NAIJA – Thierry BERLANDA





Un industriel de l’agroalimentaire a été retrouvé affreusement blessé dans une bétaillère bondée de génisses. Que cache ce crime d’une cruauté inédite ? Qui l’a commandité et pourquoi ? Jacques Salmon et Justine Barcella, qui forment l’unité spéciale Titan, sont mobilisés. Leur enquête les met sur la piste de trois tueuses, de Paris jusqu’au Nigeria, à Lagos, cité tentaculaire surpeuplée où règne la loi du plus fort.
Que dissimulent les tours de verre High Tech du géant Histal, mystérieux groupe scientifique et industriel international ? Quelles sont ces « Tenues jaunes » au physique parfait qui accueillent les visiteurs ? Trafic d’organes, manipulations génétiques, hybridations monstrueuses, nanotechnologies ultraperformantes… les deux agents vont de surprise en découverte. Confrontés à ce « nouveau monde », à la fois repoussant et plein d’attraits, quel sera leur choix ? Le combattront-ils à tout prix ou se laisseront-ils séduire ?
Thriller saisissant, Naija éclaire sans concession, par une plongée dans un monde où la morale s’inverse, l’enjeu crucial de notre époque : la valeur et le sens même de la vie

Naija c’est un peu comme Mission Impossible qui aurait rencontré les Avengers sans l’humour.
Les liquidateurs Jacques Salmon et Justine Barcella prennent directement leurs ordres à l’Elysée.
Aucuns moyens, tout pouvoir.
Salmon est un ancien des Services Spéciaux recruté pour créer l’unité Titan. Une unité qui se compose de deux personnes : Lui et sa coéquipière, la précédente ayant eu la fâcheuse idée de se faire tuer il doit « former » Justine. Quelque peu misogyne, misanthrope, il est un exécuteur froid – « quand tu es payé pour fumer des mecs, la compassion est une maladie mortelle »– convaincu d’être le meilleur dans sa catégorie il ne prête aucune attention à ce qui pourrait être une vie privé, sapé comme un clochard il vit dans un cagibi au milieu de ses détritus, râleur, vicieux, il aime qu’on le déteste.
Si ce personnage devait apparaître au cinéma c’est assurément Jean Réno qui tiendrait ce rôle.

Le roman est construit en deux parties, la première permet au lecteur de se familiariser avec TITAN et de suivre la relation qui se construit entre le maître et l’élève, les méthodes d’investigations le plus souvent musclées, les dommages collatéraux et les tenants de cette enquête.
La seconde partie nous emmène au Nigéria, pays ravagé par la corruption et le crime, vendu aux multinationales qui peuvent s’enrichir sans que quiconque y regarde de trop près et dont la sécurité est assurée par une armée privée recrutée sur place.
Ainsi en est-il du groupe pharmaceutique HISTAL dont le vice- président Seymour Silverstone a mis en place une organisation criminelle que Salmon et Barcella doivent démanteler.
La cible est Silverstone qui doit être éliminé.

Thierry BERLANDA n’en est pas à son coup d’essai et nous promets encore de longues heures de lecture puisque NAIJA est le premier volume d’une trilogie qui comprendra : JURONG-ISLAND et CERRO RICO.
C’est très bien fait, haletant, violent, épique et malgré quelques invraisemblances fort utiles à la qualité du récit, on est scotché.
Quand tu parles, je t’entends. Quand tu ne parles pas, je t’entends quand même.
Mais sans doute les personnages ne sont-ils pas toujours tels que nous croyons les voir.

30 SECONDES – Xavier MASSE

30 secondes par Massé

30 secondes…
Les 30 dernières secondes les plus importantes de sa vie.
Les 30 dernières secondes de leur vie.
Les 30 dernières secondes dont il arrive à se souvenir.
30 secondes… c’est le laps de temps qu’il leur a fallu pour avoir cet accident.
30 secondes, c’est le temps dont dispose Billy pour retrouver la femme de sa vie… disparue…

Xavier Massé sème les fausses pistes comme le Petit Poucet ses cailloux pour ne pas se perdre, pour le premier c’est très clairement pour nous perdre et nous entraîner dans la complexité de son récit.
Billy est un jeune joueur très prometteur de football américain à Charlotte – USA, mais Billy est aussi un inconscient qui use et abuse d’alcool et de substances illicites, en compagnie de ses congénères il se comporte comme un enfant gâté à qui on ne peut rien refuser, une star du sport à l’américaine, avec magouilles, grosses sommes d’argent et matchs truqués.
En même temps Billy tue un vagabond sur une route de campagne et devient complice du meurtre d’un policier, il sera victime de deux accidents : l’un sur le terrain avec un clash ultra-violent sur un autre joueur qui le laissera inconscient, l’autre en voiture avec sa compagne au volant qui disparaîtra après l’impact, évaporée, envolée…

Vous suivez toujours ?

Nous voilà donc au chevet de Billy sur son lit d’hôpital entreprenant des séances d’hypnose pour tenter de faire remonter ses souvenirs à la surface, aidé en cela par un neurologue bienveillant sous la surveillance d’un policier taiseux.
La vraisemblance se doit de plier devant le récit.
Alors les séances deviennent un jeu de cache-cache dans un décor imaginaire en trois dimensions et surtout une sorte de salle de cinéma refuge pour Billy dans son inconscient où il peut visionner ses souvenirs.

Ca va toujours ?

C’est sans doute parce que Xavier Massé est à l’écriture ce que Billy est au football, un fougueux qui coure vite avec le talent qu’il faut pour se faire remarquer qu’il parvient à entrainer ses lecteurs dans son imagination débridée, et nous on suit derrière ce joueur de flûte (encore une métaphore pour finir) tel ce troupeau de rat quittant Hamelin.

LE SECRET DES MAGES DU TRIDENT ROUGE – Maurice DACCORD



Qui sont les Mages du Trident Rouge ?

Une secte, une association de disciples un peu fêlés, dont la particularité est de terminer leurs réunions en chantant et dansant sur l’air de La Belle Hélène d’Offenbach… Tous adorateurs de Satan !

Comme ce tueur en série qui signe ses crimes d’une citation latine : Demon est deus inversus, le diable est dieu sens dessus dessous.

Crimes particulièrement odieux et tellement sordides que la presse le surnomme l’Equarrisseur.

Dans une nouvelle enquête, le Commandant Léon Crevette, aidé de son ami Eddy Baccardi, explore l’univers de Mages du Trident Rouge et va traquer l’Equarrisseur.

C’est cruel et drôle à la fois, les personnages sont truculents, c’est bourré de références au cinéma de genre des années 40 ou 50, ou encore aux prémices des séries télé policières qu’on appelait encore feuilletons comme les feuilletons qui paraissaient dans la presse quotidienne, héritage d’un passé littéraire du siècle d’avant et du début de ce XXe.
Mais l’auteur est un contemporain, il n’a pas à composer avec la morale d’outre siècle, de nos jours aucune crainte de finir au piloris si on se hasarde à faire mourir six fillettes de la manière la plus horrible qui soit, le tout baigné dans une ambiance qui bien sûr est tendue mais navigue au sein de copinages francs et émouvants, de décors surranés comme les intérieurs familiaux, les troquets et les convenances qui font que nos personnages sont bien ancrés dans leur monde et leur époque.
Alors ! Pensez ! si le surnaturel vient s’inviter dans la tête de veau ou le boeuf carottes, en plus avec des manières aussi sordides, autant se lancer alors à l’assaut des ventres de Paris pour aller chercher la bête.
C’est un roman parfaitement jouissif, à consommer sans aucune modération.


VA MANGER TES MORTS – Pascal MARTIN

Va manger tes morts par Martin


Elle s’appelle Romane, elle est Gitane. Dans cette brasserie parisienne, elle vient de flinguer un sale type d’une balle en pleine tête. Lui, c’est Rio, il venait juste de prendre sa défense face aux gifles de ce mec. C’est là qu’elle l’a pris en otage, enfin presque… Et que tout a commencé ! Il est enquêteur pour les assurances. Elle, elle se débrouille comme elle peut… Et plutôt bien. Mais quand le temps vire à l’orage, ils décident ensemble de décamper au plus vite… Elle est jeune, belle, insouciante. Elle a la rage de vivre, là, tout de suite… Lui, pour la première fois de sa vie, il n’a plus qu’une envie, exister et la suivre…

Le polar que je mourrais d’envie de lire depuis très longtemps, comme le dit le bandeau de couverture c’est une immense bouffée d’oxygène, simplement parce que c’est un polar qui est écrit avec le coeur et c’est à ça qu’il se remarque et s’apprécie.
Une folle histoire d’amour à travers la violence, le sang et la souffrance mais toujours le sourire lumineux de Romane en avant, son discours tout d’abord incompréhensible qui devient au fil des pages un compagnon dont on ne discerne pas obligatoirement toutes les subtilités mais prend une résonnance musicale indispensable à ce récit.
C’est parfois cruel et parfois drôle.
VA CRIAVE TES MOULOS !

Et oui, on ne peut rien contre le coeur qui bat pour continuer à exister et sans doute se construire une vie différente…avec un tikno par exemple.

Pascal Martin est né en 1952 dans la banlieue sud de Paris. Après une formation en œnologie, il devient journaliste, fonde sa boîte de production et parcourt le monde comme grand reporter. Ses reportages, très remarqués, sont alors diffusés sur toutes les chaînes de TV.n 1984, il réalise un court métrage de fiction, « L’intruse » diffusé par Antenne 2 qui, dès 1986, lui demande l’exclusivité de ses enquêtes pour ses magazines d’actualité : « Le Magazine », « Edition spéciale », « Place publique ». En 1989, il se spécialise dans l’investigation pour une collaboration exclusive de dix ans avec « Envoyé Spécial ». Ses reportages font référence et lui valent de nombreuses récompenses comme le Grand prix des télévisions francophones pour son film sur la révolution roumaine et, en 1992, et le Sept d’or du meilleur reportage pour son enquête sur le Front National : « Front National, la nébuleuse ».En 1995 il crée les « Pisteurs », des personnages de fiction qui reposent sur son expérience de journaliste d’investigation, pour une série de films diffusés sur France 2. Après avoir enseigné quelques années au Centre de formation des journalistes, il développe avec Jacques Cotta une série de documentaires « Dans le secret de… » qui compte aujourd’hui plus de 40 numéros. Il réalise à cette occasion Dans le secret de la prison de Fleury-Mérogis et Dans le secret de la spéculation financière. C’est sur la base de ces deux enquêtes qu’il crée le personnage de Victor Cobus, jeune trader cousu d’or qui se retrouve du jour au lendemain dans l’enfer d’une prison. Pascal Martin s’est toujours inspiré de ses enquêtes journalistiques pour nourrir ses personnages de fiction en les inscrivant dans une dimension sociale et environnementale.(Sources : JigalPresses de la Cité)
Pascal MARTIN - (Credit photo - © Pascal Martin © Stephane Olivier) RIP Monsieur

LA FILLE QUI VOYAIT LE MAL – Ludovic BOUQUIN

La fille qui voyait le mal par Bouquin

Sa capacité à distinguer, malgré elle, la nature profonde des gens qui l’entourent fait d’elle l’arme secrète des différents souverains pontifes depuis 20 ans. Alors que sa sécurité est menacée, une vague de crimes aussi violents qu’inexplicables frappe les grandes villes françaises.
Un tandem composé d’un commandant de la police judiciaire et d’un psychiatre mène l’enquête. De leur rencontre avec la fille qui voyait le mal va naître un improbable trio qui, enrichi de leurs différences et de leur complémentarité, va être mis à rude épreuve pour rester en vie et déjouer le complot fomenté par un ennemi puissant.
Un récit ou l’occultisme s’associe au Vatican pour déjouer le mal et qui va cette fois-ci se mettre au service de la police pour stopper le mal qui se répand partout sur le territoire. Un thriller trépident, un page turner qui ne pourra qu’entraîner le lecteur dans une course contre la montre.

Manifestement Ludovic BOUQUIN aime raconter des histoires, il aime les inventer pour ensuite les « passer » comme dans la tradition orale avec cet aspect jubilatoire de tenir son lecteur en haleine, il a gardé au fond de lui l’enfant qu’il était qui peut encore croire à ces aventures extravagantes au fil conducteur qu’est l’Afrique et sa magie.
Sous couvert d’une appellation douteuse de « thriller ésotérique » nous avons en fait un formidable roman d’aventure – et oui, ce n’est pas un gros mot – comme les aventures de Bob Morane ou de Doc Savage tout comme ses précédents romans. Je pense à « Rémission Spontanée » où la magie africaine pouvait renfermer une révolution scientifique, ici les sortilèges vaudous peuvent sauver le monde d’une apocalypse planifiée par des cerveaux dérangés et cupides. Tout comme Bob Morane affrontait l’Ombre Jaune maître du Mal projetant de régner sur le monde les héros de Ludovic BOUQUIN surfent sur des événements endiablés les entrainant aux quatre coins du monde.
Sauf pour l’ouvrage « Sauce de Pire » où on est plongé dans la marmite d’un polar-culinaire des plus excitant.

Tout ça pour dire qu’il faut avoir garder son âme d’enfant pour pouvoir se plonger dans ce grand bain d’aventure.

POUR SEUL PARDON-Thierry BRUN

Pour seul pardon par Brun

Thomas Asano a trouvé refuge dans une petite ville nichée au pied des Vosges. Ici, la vie y est âpre. Homme à tout faire, il a la réputation d’être travailleur et bon chasseur. Il est surtout décidé à se faire oublier : il a connu Sarajevo et la prison. En liberté conditionnelle, c’est un homme brisé par la culpabilité qui tente de se reconstruire. Son seul souhait, ne plus laisser la violence le submerger. Une vie simple au plus près des forêts, en harmonie avec la nature, traquer le sanglier, faire l’amour à Élise, la fille du patron. Mais, chaque jour il envoie des messages à la femme qui l’a quitté. Celle qui le visite dans ses rêves, celle à qui il parle encore quand les nuits sont trop longues. Pourtant quand le père d’Élise se retrouve en possession d’une livraison de cocaïne qui ne lui est pas destinée, le passé d’Asano le rattrape. Cet homme simple et discret n’a désormais plus le choix. Il redevient ce qu’il n’a cessé d’être : un homme de guerre. C’est le prix à payer pour protéger Élise

Un roman noir ancré dans une ruralité brutale, un coin perdu dans les Vosges quoi de mieux pour vivre une conditionnelle en se faisant oublier. Mais c’est sans compter sur l’appat du gain des petits notables de la ville, entrepreneurs croulant sous les dettes, bouffés de tous côtés par l’inexorable avancé du gros entreprenariat, par l’urbanisme ravageur qui se profile entrainant avec lui la délinquance la plus violente et ce n’est pas ce qu’il fallait à Thomas Asano ployant sous la charge de son passé de guerrier, animé toujours par son instinct de chasseur.

Je me suis retrouvé dans le monde cinématographique de Robert ENRICO, tout particulièrement le film « Les Grandes Gueules », ce que les critiques de l’époque qualifiait de « film d’hommes » avec les quelques poncifs du genre comme le code d’honneur et sa trahison, la parole donnée, la rugosité de ces hommes car n’en déplaise aux gauchos-féminos-genrés ou pas, ce cinéma était un style à part entière, on allait voir un film de Robert Enrico pour assister au combat de personnages masculins dans la sueur et le sang au sein d’une société en pleine transformation.

Polar noir et social le livre de Thierry BRUN est un hommage à ce style qui a fait les beaux jours du cinéma et qui continuera à faire les beaux jours de la littérature avec des auteurs aussi talentueux.

LA MEDEE – Benoît CHAVANEAU

La Médée par Chavaneau

… Madame Lucienne remplit son cahier et la Médée s’ébranla.
La péniche franchirait plusieurs centaines d’écluses entre les Flandres et le Canal du Midi et, à chaque fois, de façon rituelle, l’homme cacherait l’enfant. Du moins sur le trajet aller.
Car, au retour, l’enfant ne serait plus là …
Nous sommes dans les années 60.

De nombreuses disparitions d’enfants non élucidées ont lieu dans les Flandres mais aussi en Belgique et au Pays-Bas.
Deux corps sont découverts dans des sacs jetés dans un canal.
Maurice Morge, inspecteur austère et solitaire de la P.J. de Lille, débarque alors dans le petit village de Wailly afin d’y mener des investigations après une enquête malheureusement bâclée par les gendarmes.
Aidé par George Bellamy, un journaliste dandy et fantasque, va-t-il pouvoir retrou­ver l’assassin ?

Une enquête riche en rebondissements commence.
Nous baignons, ici, dans le monde des mariniers, sur les canaux du Nord, de l’Est de la France, de la Belgique et puis il y a Vermeer et la Médée !
Benoît Chavaneau est né à Roubaix en 1958 et d’emblée il s’imprègne de cette terre noire des
Flandres, de ses carillons et de ses canaux brumeux. Très tôt, il conçoit l’écriture comme un ouvrage de den­telle entre silences et mots.
C’est en écoutant « La Chanson de l’éclusier» de Brel, chez une amie, que naît l’idée de « La Médée », une histoire de marinier, d’enfants perdus et de canaux brumeux.

« Dans ce roman, j’étais obsédé par le rythme, par le style, par cette ambiance flamande, mouillée de brume et de pluie froide. Un bon roman, c’est moins une histoire que la manière de la raconter, enfin je crois. »
La Médée est finaliste du Prix du Sablier d’Or du meilleur manuscrit.

Complexe de Médée: (Psychanalyse) Complexe se manifestant chez les femmes/les hommes qui cherchent à punir leur mari/épouse en s’en prenant à leurs enfants
L’appelation trouve ses origines dans le nom du personnage mythologique de Médée, qui selon une version répandue du mythe aurait tué ses enfants par vengeance envers son mari, Jason, qui l’a répudiée en faveur d’une autre femme.

Le sacrifice des enfants est au centre de ce roman, non seulement La Médée charrie son lot de cadavres à travers les canaux mais l’inspecteur Morge, austère personnage sacrifie lui aussi sa vie de famille et son rôle de père pour cette enquête.
La question se pause : la péniche se nourrit-elle des enfants, Vermeer le batelier est-il un ogre dévoreur d’enfants ?
Bien sûr l’atmosphère ambiante nous emmène directement du côté de Simenon, le cadre géographique, la grisaille, les personnages taiseux ou encore extravagant comme le journaliste Bellamy. Mais bien au- delà du roman policier, j’ai lu un roman frôlant le fantastique et flirtant avec Jean RAY, apologie du sacrifice et de l’inexorable conduisant à une rencontre « amoureuse » habitée de non-dits et d’acceptation d’une règle érigée comme un aveu de monstruosité, un lien indéfectible.

Superbe roman noir, magnifiquement écrit par un auteur qui sait plus que quiconque marier les mots et leur donner cette musicalité que l’on retrouve dans d’autres de ses romans.

Cet ouvrage est sélectionné pour le Prix Dora-Suarez 2022.

TRANSACTION – Christian GUILLERME

Transaction par Guillerme

Un site de petites annonces en ligne comme il en existe des dizaines.
L’arnaque de trois amis, noyée parmi des milliers de bonnes affaires.
Un individu dangereux qui sommeille au milieu des acheteurs potentiels.
Quelle était la probabilité qu’ils se croisent ?
Transaction… l’engrenage fatal est enclenché 

On commence le roman par la fin et c’est une stratégie de construction à haut risque, avec un prologue lourd de menaces, nous voilà plongé dans une poursuite anxiogène où la vie perd son sens.
En effet, qu’est-ce qu’une petite arnaque dans le système d’achats et ventes en ligne avec même pas une grosse somme à la clef, refiler du matériel défectueux, une caméra, à un pigeon comme soi-même déjà pigeonner en amont.
Sauf que c’est sans compter sur le fait que le monde n’est pas peuplé que de gogos. Il peut aussi cacher en son sein des individus en rage permanente tels des bêtes sauvages.
Et c’est à l’un d’eux que les trois petits arnaqueurs devront faire face, ou plutôt devant qui ils devront fuir car il est certain que la dette se paiera dans le sang et un maximum de souffrances.

Les chapitres sont très courts, ce qui contribue à accentuer le rythme des événements sans pour autant omettre de s’attarder sur la psychologie de chacun des personnages, leur intimité y compris « l’acheteur » terrifiant à souhait englué dans une solitude impénétrable et un narcissisme surdimensionné.
Autant dire que c’est un livre qu’on lit d’une traite et qui est sacrément bien ficelé.

UN AUTEL RUE DE LA PAIX – Florence RHODES

Un autel rue de la Paix par Rhodes

Pas de congé paternité pour le commandant Hamelin: Au cours d´un été caniculaire, il se lance aux trousses d´un tueur en série qui sévit aux adresses du plateau du jeu de Monopoly. Rue de Vaugirard, boulevard de la Villette, avenue Mozart, le compteur tourne, les cadavres s´empilent, et Abel Hamelin a la sensation oppressante que ce meurtrier, qui conserve toujours quelques cases d´avance, connaît tout de son passé, de ses fêlures et du secret familial qui le ronge. Dès lors, identifier l´assassin avant la rue de la Paix, en évitant lui-même la case prison, devient l´enjeu d´une partie où Hamelin a plus encore à perdre que la liberté, la vie ou la raison.

Nous avions remarqué avec beaucoup d’attention le premier roman de Florence RHODES : La Confrérie des Louves Prix DORA-SUAREZ du Premier roman, c’est donc avec beaucoup d’impatience que j’attendais de lire son nouvel opus et je n’ai pas été déçu.
Hamelin revient avec son équipe pour notre plus grand plaisir, Hamelin avec son intransigeance syntaxique qui le caractérise, ses zones d’ombre et là, peut-être plus encore que dans le précédent roman, ses failles, ses blessures jamais cicatrisées. Sans doute celles-ci apparaissent plus flagrantes car il doit affronter un assassin qui connaît tout de lui, capable d’endosser plusieurs personnalités et dont le seul but est d’atteindre Hamelin au plus profond de sa chair.
Nous assistons à une partie de Monopoly « in vivo » dont chaque étape est une mort assurée, sans pour autant savoir comment l’assassin déplace « son pion ».

Connaissant les références de Florence RHODES parmi les classiques du roman policier je n’ai pu m’empêcher d’épingler ABC MURDER d’Agatha CHRISTIE, roman dans lequel Hercule Poirot affronte un assassin dont le jeu macabre consiste à tuer par ordre alphabétique, laissant derrière lui un indicateur de chemin de fer ouvert à la page de la ville où sera commis son prochain meurtre.

Le récit est parfaitement orchestré, l’intrigue et son dénouement sont surprenants à souhaits, ce qui comble nos espérances. La toute dernière partie très justement intitulé coup de sang achève de nous mettre KO.

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